Une description peu flatteuse (mais réaliste ?) de nos ancêtres landais du XIXe siècle.

 « La plage éminemment hideuse, les plaines arides et les habitants aussi rares que chétifs qui errent sur ce sol désolé, la peuplade sauvage dont le costume, les manières et l'attitude sont des plus bizarres, la terre ingrate sur laquelle végètent plutôt qu'ils ne vivent environ trente bipèdes par lieue carrée, absolument Français comme vous et moi, mais avec lesquels je répudie hautement pour ma part toute espèce de communauté de goûts et d'habitudes ».

L’auteur de ces lignes est Victor Gaillard dans, L'Habitant des Landes dans Les Français peints par eux-mêmes : Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle. Province : Tome second.- Paris : L. Curmer, éditeur, 49 rue de Richelieu au premier, MDCCCXLII [1842].- 396.- [50] f. de pl. : ill. ; 25 cm.

 

 


Cette célèbre encyclopédie comporte neuf volumes écrits par des dizaines d’auteurs. Les cinq premiers tomes traitent de Paris. Les Tomes 6, 7 et 8 traitent de la province et des provinciaux : L'Habitant de Versailles, Le Paysan des environs de Paris, Les Champenois, Le Franc-Comtois, Le Languedocien, Le Provençal, Le Basque, Le Beauceron, L'Habitant des Landes, Le Normand, L'Auvergnat, Le Solognot, Le Limousin, Le Forésien, Le Gascon, Le Flamand, Le Vendéen, Le Bressan, Le Berruyer, Le Picard, Le Bourguignon, Le Poitevin, Le Breton, Le Roussillonnais, Le Béarnais, Le Dauphinois, Le Lorrain, L’Alsacien, L’Habitant du Bourbonnais, Le Juif, L’Algérien français, Le Créole des Antilles, L’Indien français, Le Créole de l’île Bourbon, L’Habitant de la Guyane française, L’Habitant du Sénégal, L’Habitant des îles Saint-Pierre et Miquelon, Le Corse.

 

Et Victor Gaillard de poursuivre sa description du Landais...

En matière d’anthropogéographie, pour Victor Gaillard, les véritables Landais, à proprement dit, sont ceux qui habitent les grandes Landes ; c'est-à-dire celles qui avoisinent l'Océan Atlantique, depuis la Pointe de Grave jusqu'à Bayonne.

« Ne cherchons pas à le dissimuler, les Landes, ce long désert qui commence aux portes de Bordeaux pour aller aboutir à l'embouchure de l'Adour, n'ont rien de fort séduisant, et flattent médiocrement notre amour-propre national. Cette contrée est sans comparaison la partie la plus disgracieuse du beau royaume de France, sous quelque point de vue qu'il plaise de l'envisager. Des sables brûlants pendant l'été, des marais et des abîmes en hiver, un pays malsain dans toutes les saisons, et des solitudes affreuses où l'horizon parait sans bornes, voilà l'aspect des Landes, et surtout des côtes de l'océan, connues sous les noms de Buch, de Born et de Marensin ».

 

« Petit et maigre, le Landais a le teint hâve et décoloré, les cheveux noirs et lisses, les yeux plombés et la physionomie morne ».

« Ses traits impassibles, que le sourire anime peu, ont une expression méditative analogue à celle remarquée chez certains maniaques. Malgré sa constitution frêle, délicate et consumée par la fièvre durant la majeure partie de l'année, l'habitant des landes accomplit les travaux les plus rudes et brave toutes les intempéries atmosphériques ».

« Loin de pouvoir, dans leur jargon barbare, articuler des pensées ordinaires, c’est à peine s'ils trouvent des mots pour exprimer quelques besoins physiques. Accoutumés à ne voir que les mêmes objets, à n'éprouver que des sensations uniformes, les habitants des Landes reportent sur leur caractère la monotonie sauvage du pays. Une ignorance profonde, une cupidité mesquine, de l'apathie portée au plus haut degré, et un excès de misère tel, qu'il émousse jusqu'au sentiment du malaise, les rendent incapables d'énergie, et pour ainsi dire de réflexion ».

« Façonnés dès le berceau à la superstition la plus absurde, les Landais accueillent avidement les traditions comme les contes de sorciers et de revenants ».

 

À propos des Landaises.

« Toutes les femmes des landes, a peu d'exceptions près, naissent jolies et restent telles jusqu'à vingt ans ; passé ce terme réellement fatal, elles se dessèchent à vue d’œil. Leurs traits délicats, la douceur et la beauté de leurs yeux disparaissent irrévocablement et font place dès lors à un ensemble repoussant dont la laideur n'est bientôt plus comparable à rien ».

Et les femmes des bourgs et villes, « particulièrement celles de Dax que les bons appréciateurs du genre regardent comme la quintessence du beau sexe landais. Il est rare, en effet, dans une ville d'égale population, de rencontrer autant de femmes plus remarquablement jolies et dotées de charmes si attractifs. Chez les Dacquoises, la faculté de plaire est puissamment favorisée par un naturel doux et prévenant, de la gaité et du trait dans la conversation ».

 

Un habitat sale et ignoble, une promiscuité insoutenable.

« Sale et ignoble que l'Esquimau et un Hottentot dédaigneraient à coup sûr, où se rassemblent quelquefois jusqu'à trente à quarante personnes. La pièce principale est une immense cuisine dont le foyer est garni tous les soirs d'une chaudière dans laquelle la doyenne de la famille agite l'escoton qui fait la jubilation des Landais. En arrière se pressent des femmes filant en silence, des enfants attendant leur pâtée, et des hommes qui s'entretiennent invariablement du loup-garou en crédit ou de la résurrection du dernier sorcier enterré. De la cuisine, on passe dans des bouges obscurs et privés d'air : ce sont les gynécées landais, avec cette particularité que, vieux et jeunes, hommes et femmes, s'y blottissent pêle-mêle durant la nuit, les uns par terre sur des peaux de mouton, les autres, sur de mauvais grabats entre deux lits de plume, où ils supportent une chaleur qui ferait durcir des œufs ».

 

La classe des bergers est la plus nombreuse comme la plus misérable.

« Presque toujours éloigné des habitations, chaque pâtre est ordinairement nanti d'un petit sac de farine de millet ou de maïs, de lard excessivement rance, et d'un chaudron pour apprêter l'inévitable escoton ou faire bouillir son eau dont il corrige l'odieuse qualité avec du vinaigre et un peu de sel. Des semaines entières se succèdent, souvent, sans qu'il entrevoie figure humaine. Perché sur de longues échasses qui le grandissent de six pieds, et avec lesquelles il semble né, il enjambe les bruyères, traverse les marais, lutte de vitesse avec les chevaux sauvages du pays, ou erre à l'aventure en tricotant et filant la laine de ses moutons ».

 

D’autres auteurs vont dans le même sens que Gaillard.

D'après Abel Hugo, en 1835, « Les Landais sont petits et maigres, ils ont le teint hâve et décoloré, les cheveux lisses, la physionomie triste et une grande irritabilité nerveuse. Quoique leur complexion paraisse faible et délicate, ils soutiennent à cette époque des travaux rudes, continus et peuvent braver impunément toutes les intempéries de l'atmosphère. Ils forment pour ainsi dire un peuple voyageur, dont la moitié est alternativement occupée à la culture des terres et des pignadas, tandis que l'autre va vendre ses denrées aux marchés voisins. Les Landais ont dans leurs voyages du XIXe siècle des stations fixes où ils s'arrêtent régulièrement ; ils couchent dehors sur leur charrette ou par terre, à moins que le temps ne soit très mauvais ; ils cherchent alors à gagner quelque habitation. Chaque bouvier porte sa nourriture et celle de ses bœufs. La sienne consiste en du pain de seigle ou de maïs très cuit, qu'il assaisonne avec des sardines, dont le plus grand mérite à ses yeux est une excessive rancidité ».

 

« À la même époque, les Landais sont avares dans leur ménage, prodigues au-dehors, redoutant la misère en possédant le superflu, très superstitieux et assistent régulièrement aux offices divins. Le Landais est aussi, s'il faut en croire M. Thore, inaccessible aux tendres émotions de l'âme, mais il est docile et respectueux envers les autorités, incapable de vol et de fraude, également éloigné du crime et d'une vengeance réfléchie ; il est bon et se montre toujours disposé à obliger ».

 

M. d'Haussez a ainsi résumé son opinion sur cette population : « Accoutumés à ne voir que les mêmes objets, à ne connaître que des sensations, toujours uniformes, les paysans des Landes semblent avoir reporté sur leur caractère cette sauvage et invariable monotonie que présente l'aspect de leur pays. Une ignorance complète, une confiance irréfléchie dans leurs usages, une cupidité mesquine, une extrême apathie, sont les principaux obstacles au développement des lumières. À la réflexion, dont ils sont incapables, ils substituent la routine ».

 

Que mangent les Landais ?

« Dans la première moitié du XIXe siècle, la nourriture est frugale et peu substantielle dans les Landes. Au pain et aux sardines dont se nourrissent les bouviers, les Landais sédentaires ajoutent des soupes aux légumes assaisonnés avec du lard rance, du poivre et du piment ; des bouillies de farine, de maïs ou de millet, qu'ils mangent froides avec de la graisse fondue. Ils aiguillonnent leur appétit avec de l'ail ou du jambon frit. Leur boisson est de l'eau pure ou acidulée avec du vinaigre ; cette eau, qui provient des eaux pluviales réunies dans des mares, est souvent malsaine ».

« À cette époque, ils petit-déjeunent à six heures du matin, déjeunent à midi et dinent après le coucher du soleil ».

 

Voici ce qu’écrit, en des termes plus mesurés, le préfet des Landes au ministre de l’Intérieur, le 31 décembre 1858.

« Le Landais, en général, ne sait ni lire, ni écrire. Il ne comprend pas le français ; il n’a d’autres lieux de réunion que l’église, où il se rend par habitude et l’auberge qu’il fréquente par goût. Le reste du temps, il erre seul dans la lande et les pignadas. Si l’année est dure, il restreint son ordinaire, déjà si misérable, déserte les assemblées, se renferme chez lui et attend, morne et triste, que les beaux jours reviennent ». 

 

En conclusion

De ces écrits pittoresques du XIXe siècle, parfois outranciers, hautains et méprisants, il convient de retenir la description réaliste d’une population rurale misérable, malingre et perpétuellement malade du paludisme (ou fièvre des marais), mais travailleuse pour tous les temps, docile et respectueuse.

 

Sources


  • Abel Hugo, France pittoresque, tome 2, Paris, Delloye, 1835
  • Eugène Dufourcet, Les Landes et les Landais : histoire et archéologie depuis les temps primitifs jusqu'à la fin de l'occupation anglaise, Dax, Hazael Labèque, 1891




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