Quelle langue nos ancêtres landais parlaient-ils ? Le patois des Landes.

La scène se passe à l’école de Campagne (Landes), vers la fin des années 50. Excédée, Madame Benne, la maîtresse, demande à Jean-Claude Bernos, mon voisin de table, ce qu’il a encore fait de son crayon. Et lui qui vient de parcourir 3 km en sabots dans la neige, lui répond : « Qué l’ei oubligat à la maysoun ». Traduction : « Je l’ai oublié à la maison ».

S’il comprend le français, Jean-Claude ne le parle toujours pas et s’exprime en patois landais, comme à la maison.

Le patois landais vient du gascon qui est la variété de l'occitan propre au « triangle aquitain ». 

 

Carte localisant l'aire d'influence du Gascon. Par Larrousiney - Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1421646

 

Il existe trois sous-groupes dialectaux du gascon.

 

  • le gascon occidental, qui inclut le gascon maritime ou parlar negue, parfois appelé « landais » (Bayonne, littoral landais, Grande Lande) et le nord-gascon (Bordelais, Bazadais, Médoc, Pays de Buch, Entre-deux-Mers).
  • le gascon oriental ou intérieur, dit parlar clar (Auch, Gers).
  • le gascon pyrénéen ou méridional, qui inclut l'aranais, une des trois langues officielles du Val d’Aran en Espagne

Soit trois départements dans la zone d'extension du gascon, en totalité : Gers, Hautes-Pyrénées (Bigorre) et Landes. Soit six départements dans la zone d'extension partielle du gascon : Pyrénées-Atlantiques, Gironde, Lot-et-Garonne, Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne et Ariège.

 

Quant au béarnais, langue officielle lorsque le Béarn était un État indépendant jusqu’en 1620, il ne correspond pas à un parler unifié : les trois formes de gascon sont parlées en Béarn (au sud, le gascon pyrénéen ; au centre et à l'est, le gascon oriental ; au nord-ouest, le gascon occidental).

 


Le gascon dans les Landes (selon le site Gascon Lanas).

« Les Landes se trouvent dans la partie occidentale du domaine gascon, c'est-à-dire que les -a et -e finaux se prononcent e comme en français, et les subjonctifs se font en -i (que cau que cantis).

La partie ouest du département est traditionnellement celle du parlar negue ou grand-landais dont la particularité principale est la prononciation œ de la lettre elœ hœmne qu'œs nœgue. Dans cette zone, ''dire'' = díder o díser [dide ou dize]

On distingue aussi le gascon des Petites Landes qui se rapproche du gascon central, et le gascon de Chalosse qui se rapproche du béarnais souvent utilisé comme gascon ''standard''. Dans cette zone, ''dire'' = díser [dize] ».

 

Le protogascon (ou aquitano-roman) serait apparu au VIe siècle.

« L’étude de documents (monnaies) de cette époque montre la présence de traits caractéristiques du gascon. L’ancien gascon, mots gascons présents dans les textes rédigés en Gascogne médiévale depuis le XIIe siècle, y compris ceux (surtout jusqu’au XIIIe siècle) dans des textes en latin, a été étudié et répertorié dans le Dictionnaire onomasiologique de l’ancien gascon conçu et dirigé par Kurt Baldinger.

 


Un dialecte ou une langue spécifique ?

« L'ancien gascon, et donc le gascon sont considérés comme un dialecte de l'occitan. Pour Ronjat, qui le nomme aquitain, il constitue même le seul dialecte clairement différencié, les limites entre les autres dialectes restant floues. Pour Rohlfs, à cause de ses spécificités mêmes, il constitue une langue à mettre sur le même plan que le catalan ».

Le poète gascon Bernard Manciet (1923-2005) déclarait : « Je suis occitan et mon dialecte est le gascon negre, car je suis des Landes ».

 

Le français a bénéficié de nombreux apports de l'occitan, dont des mots spécifiquement gascons. 

 

  • alios, terme géologique international désignant une roche.
  • baïne ou bayne (Landes), dépression locale dans le sable du littoral avec fort risque de noyade.
  • béret, mot du Béarn, berret, du latin birrum.
  • cadet de capdèth (« chef »), a supplanté puîné, celui qui devait quitter la maison.
  • caddy / caddie, emprunt à l'anglais, lui-même issu du français cadet, de capdèth, jeune Béarnais.
  • cagot, de cagòt, crotte.
  • capulet ex. « la Dame au Capulet », la Dame de Brassempouy.
  • cargaison, du verbe cargar ou carcar, charger, cargueson en ancien gascon.
  • gabare ou gabarre, bateau, d'origine basque.
  • gave : torrent, mot employé par Froissart au XIVe siècle.
  • rabiot, nom des œufs de poisson que s'attribuaient les pêcheurs (dim. de raba, rave).

 

Adiou patois de mon enfance...

À partir du XVIe siècle, le français commença à s'imposer dans tous les nouveaux domaines, de la philosophie aux sciences, tandis que le gascon demeurait la langue du peuple. Le français s'impose à tout le territoire, et le gascon ne se transmet plus naturellement depuis au moins deux générations. Dans les Landes, seules les personnes âgées de plus de 50 ans, le maîtrisent encore dans les petits villages. Son usage a presque entièrement disparu dans les grandes villes des Landes : Mont-de-Marsan, Dax…

 

L’un des rares groupes à le faire vivre sur scène est le groupe de musique gascon-béarnais , créé en 1973, Los de Nadau ou Nadau qui célèbre la culture gasconne et plus largement occitane. Nadau dont la longévité et la notoriété sont inégalées dans le paysage musical occitan, s’exprime depuis un demi-siècle – et parfois à l’Olympia - dans un patois très proche du patois landais, le patois béarnais.


 

Le gascon est désormais reconnu comme une « langue en danger » sur l'atlas des langues de l'UNESCO.

Adishatz !

 Références 

 

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