Par ordre d’ancienneté, il s’agit de la dynastie Banos à Campagne (Étienne né vers 1700 et Jean né en 1736) ; de la dynastie Castaing à Saint-Orens au moulin du Braut (Etienne 1777-1840, Louis-Victor 1819-1885, Jean-Jules 1854-1925, Gabriel-Narcisse 1885-1950) ; de Jean Clavé (1819-1885) à Carcarès – Sainte-Croix.
Plusieurs parties de ce texte, mises entre guillemets sont empruntées au remarquable ouvrage d’Éric Reignoux : Moulins d'Eyre et de la Lande.
Le moulin était un passage obligé pour les paysans ...
Dans une économie agropastorale d’autosubsistance, les paysans devaient faire transformer leurs grains en farine afin de se nourrir de leur aliment de base : le pain qu’ils cuisaient eux-mêmes à la ferme. Dans une vaste contrée aux moyens de locomotion difficiles, sur un sol sableux ou marécageux, il s’est rapidement avéré indispensable de multiplier les points de mouture pour faciliter l’approvisionnement en farine des paysans.
Être meunier, c’était exercer, parfois de génération en génération, une profession indispensable à l’approvisionnement de proximité des populations ; c’était parfois faire partie des notables de la paroisse – mais beaucoup de meuniers n’étaient qu’employés avec un bail annuel remis en question - et ; c’était avoir la réputation d’avoir la main lourde quand il s’agissait de prélever sa part de farine.
Des moulins actionnés par la force de l’eau.
Les Romains maîtrisaient la technique de la meunerie. Au premier siècle de notre ère, le moulin à eau à roue verticale a été décrit par Vitruve dans son traité d'architecture, écrit vers l’an -15, et dédié à l’empereur Auguste.
« Dans les Landes, les Moulins des Barthes de l’Adour furent les premiers mentionnés (vers 1120-1125) ».
Dans les Landes, il n’y a eu que très peu de moulins à vent, en raison de l'irrégularité des vents. « Les moulins à vent ont eu leurs heures de gloire. Aux XVIIIe et XIX e siècles ou plus d’une dizaine faisaient tourner leurs ailes dans le paysage du Lanagrand ». E. Reignoux recense trois moulins à Biscarrosse, deux à Capbreton, un à Bénesse-Lès-Dax, un à Luglon, un à Lipostey, le moulin de Laballe dans le canton de Gabarret et un moulin à Pouillon. Le magnifique moulin de Bénesse-Lès-Dax, récemment rénové, en est le seul exemplaire actuel.
Moulin de Bénesse-Marenne (Source : l’association Les Ailes Bénessoises). |
Ces moulins des Landes de Gascogne étaient des édifices de dimensions modestes ne comprenant en général que deux jeux de meules disposées horizontalement, comme dans la plupart des moulins du Grand Sud de la France. Leur implantation ne devait rien au hasard. En terrain sableux, l'amarrage et l'entretien onéreux du barrage étaient un souci constant pour le meunier. Un débit d’eau trop puissant et une largeur trop importante risquaient de rompre les barrages. Raisons pour lesquelles les moulins se situaient donc le long de ruisseaux à faible débit et à hauteur de chute modeste. Mais le moulin n’était pas seulement branché sur une rivière ou un ruisseau. Encore fallait-il en détourner le cours pour aménager une retenue d’eau qui alimentait une chute d’eau plus efficace et plus constante. D’où la construction de biefs ou canaux d’alimentation.
Schéma type d'un moulin à eau désignant les différents éléments intervenant dans le processus d'entraînement du moulin par l'eau permettant l'écrasement du grain et la production de farine.(Source : Poyaller, Wikipédia).
|
Dans les Landes, il y avait plus de 600 moulins à la veille de la Révolution, car il semble que la féodalité y eût moins de prise qu’ailleurs et que les meuniers étaient moins soumis aux droits seigneuriaux. C’est ainsi que vers 1780, la paroisse de Campagne, peuplée de quelques centaines d’âmes, comptait quatre moulins : le moulin du Blay, le moulin du Fray (où travaillait la famille Banos), le moulin Le Grand et le moulin de Sourbe. Ce nombre témoigne de l’importance locale de l’agriculture de subsistance. Les céréales et leurs farines représentaient alors environ 80 % de l’apport nutritionnel. Un autre moulin, qui n’apparaît pas sur la carte de Cassini, mais qui est mentionné sur le cadastre de 1811, existe encore sur le ruisseau Le Batanès, affluent gauche de la Midouze, au nord du village, avec un grand étang de retenue. Les bâtiments de ce moulin qui appartenait à la famille De Guitard dont la vaste demeure est située en vis-à-vis, ont été réhabilités il y a quelques décennies.
Par contre, sur la carte Cassini de Saint-Orens, les moulins de Saint-Orens et du Braut n’apparaissent pas, mais figurent sur le cadastre de 1807.
Carte de Cassini de Campagne réalisée entre 1756 et 1815 (Source : BnF / Gallica). |
« Réalisée par la famille de cartographes Cassini entre 1756 et 1815, la Carte générale de la France est la première carte générale et particulière du royaume de France. Cet exemplaire conservé au département des Cartes et plans de la BnF est l’un des rares aquarellés à la main dans les années 1780, chaque feuille en a été découpée en 21 rectangles collés ensuite sur une toile de jute afin d’en permettre le pliage et le transport aisés ».
Avant la Révolution, les meuniers n’étaient souvent que des employés.
En raison de leur coût de construction et d’entretien, les moulins appartenaient le plus souvent à des congrégations religieuses ou à des aristocrates. « Soumis aux droits de banalité, ils étaient régis par les seigneurs et le clergé, seuls ordres capables de faire bâtir les Moulins et d’acheminer les lourdes meules. Le droit de Ban ne fut jamais contesté ni sujet à révolte. Le temps gagné par l’utilisation du moulin banal permettait de se consacrer à bien d’autres activités ».
Les meuniers payaient des taxes à leur employeur (le droit de ban) et étaient obligés d’assurer à leurs frais, l’entretien des quatre chemins qui menaient au moulin en s’y croisant et des ponts qui enjambaient le cours d’eau.
Toute une famille travaillait au moulin. La plupart des meuniers n’étaient pas riches, même « s’ils vivaient bien ». Ce n’est qu’après l’abolition des privilèges que les moulins changèrent de main et que certains meuniers purent en faire l’acquisition, créant ainsi des dynasties de meuniers.
Parmi les nombreuses tâches du meunier, était le piquetage de la meule qui se faisait souvent avant de moudre du maïs, plus rarement du blé. Opération longue, pénible et délicate qui se faisait très souvent à la main avec des rouleaux en bois. Opération délicate parce que la façon, dont elle était conduite conditionnait la qualité de la mouture. Puis venait la livraison de la farine, en charrette ou le meunier monté en amazone sur un mulet, seul animal capable de trouver son chemin dans le sable des Landes.
Le meunier avait parfois mauvaise réputation.
Le paiement du meunier reposait sur le troc. Le meunier prélevait pour lui la « pugnère » ou « pugnade », c’est-à-dire une certaine quantité de farine comme prix de son travail qui correspondait théoriquement à la contenance d’une poignée. « Cette poignée devait correspondre à environ 1/16 de la quantité moulue, mais elle évolua avec le temps pour devenir 1/12 ». Mais en la répétant, elle équivalait à 1/5 du grain fourni par le paysan. D’où de nombreuses plaintes. Mais ni les ordonnances royales, ni les décrets impériaux ou républicains ne vinrent à bout de cette fâcheuse habitude. Il fallut attendre l’usage général de la monnaie pour codifier le paiement des meuniers.
Le premier quart du XIXe siècle : l'apogée des moulins dans les Landes.
À cette époque, le nombre de moulins s’accrut fortement dans les Landes, pour plusieurs raisons :
- La Révolution avait entraîné la confiscation des biens ecclésiastiques (dont les moulins) et des biens d'émigrés, ainsi que l'abolition des privilèges et la suppression des droits féodaux.
- L’importante activité agricole avec une augmentation des superficies consacrées aux céréales. « Ainsi, de 1789 à 1852, les superficies emblavées passent, dans le département, de 16 400 hectares à près de 23 900 ».
En 1811, on dénombrait environ 700 moulins dans le département dont beaucoup fonctionnaient de façon saisonnière, en raison des déficits des précipitations estivales, caractéristiques de la région qui tarissaient les ruisseaux au débit très faible. L'activité s'interrompait en période de soudure, selon les années. La pleine saison de l'activité meunière se situait donc en automne et en hiver. À cette époque, la commune de Sabres peuplée de 2 000 âmes comptait huit moulins, dont quatre sur le Ruisseau de l'Escamat, petit affluent de la Leyre.
Moulin de l'écomusée de Marquèze à Sabres (Landes) Source : B-A Gaüzère, 2024. |
Depuis la fin du XIXe siècle, les moulins n’ont cessé de disparaître.
Au cours de la deuxième partie du siècle, la révolution industrielle naissante toucha les moulins artisanaux et, au début du XXe siècle, l'évolution technique de la meunerie leur fut fatal. C’est ainsi que le marquis Toussaint Jean Hippolyte de Cornulier (1789-1862), Breton d’origine, s’intéressa au développement économique du département des Landes et fit l’acquisition de la chute d'eau et le vieux moulin du Roi à Mont-de-Marsan, qu’il transforma en minoterie.
Au milieu du XIXe siècle, deux crues catastrophiques détruisirent environ la moitié des moulins, construits en bois pour la plupart d’entre eux. Seuls les rares moulins construits en pierre – un matériau rare et très cher dans Les Landes – résistèrent.
En janvier 1843, survinrent de terribles inondations : « De mémoire d’homme, on le vit dans les Landes une crue si soudaine si extraordinaire et si fatale ». « En général, tous les moulins placés sur les ruisseaux et rivières ont été presque toutes tous détruits ».
Les 3,4 et 5 juin 1855, à la suite de terribles orages l’Adour déborda, emporta les récoltes, dévasta ses rives et emporta les moulins de Chalosse.
De plus, les habitudes alimentaires évoluaient avec une moindre consommation de pain et l’apparition des minoteries aux forts rendements, des boulangeries qui se sont peu à peu substituées à la fabrication du pain à la ferme.
Les moulins des Landes au XXe siècle dans l’arrondissement de Mont-de-Marsan.
En 1934, la subdivision de Mont-de-Marsan ne comptait plus que 58 usines en activité, 34 abandonnées et 54 au chômage.
Découvrez "Meuniers et meunières il y a 100 ans, en cartes postales anciennes
« Jean-Pierre-Henri
Azéma évoque à travers des photographies et cartes postales
anciennes, les moulins et minoteries, le transport de la farine, les
meuniers, les meunières, leur place dans la société durant la
première moitié du XXe siècle. Les documents iconographiques
qui constituent ce magnifique album sont, pour la plupart, encore
rares à trouver.
On a plaisir à consulter cet album, riche en illustrations, qui
aborde les différents types de moulins nourriciers, l’organisation de
ces bâtiments et du travail, le transport de la matière première,
mais aussi les produits finis, la vie des meuniers et meunières en
France et dans les pays méditerranéens ».
Tous nos remerciements vont à M. Gilbert Laffont-Dumon (Référent Technique de l'Association des Moulins des Landes) pour ses informations.
Sources
- Éric Reignoux. Moulins d'Eyre
et de la Lande, Éditions Loustalet, 13 juin 2015. ISBN
978-2-909013-13-8.
- Glize Éloi. Les petits moulins à eau d’autrefois, centres de vie dans une campagne, ed. Jean Lacoste, Mont-de-Marsan, 2003.
- Bertrand Lalande, Un Breton au service des Landais : le Marquis de Cornulier (1789-1862), Archives départementales des Landes, coll. « association des Amis des Archives des Landes – Association Landaise de Recherches et de Sauvegarde , n °5 », 1987, p. 44-46.
- Direction départementale des territoires et de la mer (Landes).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire