Braut est un toponyme qu'il convient de la prononcer « (lou) bràw ». Dans les toponymes du type « Le Braou » de Gascogne maritime, c’est le sens « marais » qui est le bon et non pas « taureau ». L’écrivain bigourdan Claude Larronde retient le sens de « bourbier marécageux » qui correspond à la description du lieu, avant la plantation de la forêt de pins.
Le moulin a été construit sur le domaine de Barthe Joua sur les bords du ruisseau Le Tastet, un affluent gauche de la Midouze, à 5 ou 6 km à l’ouest de Mont-de-Marsan, chef-lieu des Landes.
Le moulin semble avoir été construit entre 1786 et 1807.
Carte de Saint-Orens vers 1786 (source BnF/Gallica). |
Carte générale de la France. 106, [Roquefort - Mont-de-Marsan]. N°106. Flle 167 / [établie sous la direction de César-François Cassini de Thury]. Auteur : Capitaine Louis (1749-1803), cartographe. Date d'édition : 1786.
Saint-Perdon-286 W 280-Plan géométrique de la commune de St-Orens, [ancienne paroisse de St-Perdon], 1807, signalant le moulin du Braut en 1807 (source : AD40).
Le moulin apparaît sur une carte du cadastre de 1807, ainsi que
le moulin de Saint-Orens, encore plus ancien, (les cartes IGN le datent en
1653) bâti au confluent de deux petits ruisseaux sur la rive gauche de la
Midouze, à un kilomètre à l'ouest du moulin du Braut. Toutefois, d’après les
recensements de 1807 et de 1819, aucune personne n’habitait le moulin du Braut. Le moulin
avait-il été abandonné, ou bien les meuniers ne l’habitaient pas ? Le
recensement de 1836 y retrouve la famille Castaing qui avait probablement fait
construire une maison d’habitation à proximité.
Autre curiosité, les cartes IGN en ligne qui datent l’année de construction de certains bâtiments de France, font remonter la construction du bâtiment actuel du moulin à 1880. Il pourrait s’agir d’une reconstruction ou d’une construction nouvelle.
Capture d’écran du site Cartes IGN (mai 2024). Or, d’après le propriétaire actuel du lieu, des nonnes auraient été les premières propriétaires du moulin et le versant amont de l’étang de retenue porte encore deux épais murs parallèles entre lesquels aurait pu être disposée une roue à aubes verticale, alors que le moulin actuel se situe en aval de l’étang. La famille Castaing a-t-elle reconstruit le moulin en 1880 après avoir exploité le premier site ?
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Les habitants du moulin du Braut au fil des recensements.
Étienne Castaing (1777-1840) a été le premier Castaing, meunier au moulin du Braut. Originaire de Montgaillard (Landes), il était géomètre au cadastre de Mont-de-Marsan, où il s’était marié en 1818. Il s’y est installé avec son épouse et son fils Louis-Victor, entre le mois d’août 1821 (décès de leur deuxième fils Jean Nicolas à Mont-de-Marsan) et l’année 1836.
Recensement de 1836.
En effet, sa famille figure à Saint-Perdon sur le recensement de 1836, sous le numéro de ménage 113. Lors de ce recensement, la commune de Saint-Perdon comptait 756 âmes.
Étienne et son épouse, avaient-ils souhaité changer de vie après le décès rapide de leur deuxième fils en bas âge ? En sa qualité de géomètre au cadastre, Étienne devait avoir eu connaissance de la vente du moulin.
Recensement de 1836 à Saint-Perdon (AD40 Saint-Perdon-1836-E DEPOT 280/1F2, page 12). |
Recensement de 1841.
Ce recensement montre deux sites distincts d’habitation :
- La maison du Braut, habitée Magdeleine Barrère veuve d’Etienne Castaing décédé en 1840. Leur fils Louis-Victor (1819-1885) était alors absent, car brigadier au 10ème régiment d'artillerie de Strasbourg.
- Le Moulin du Braut, habité par Etienne Cousent, sa femme et ses deux enfants, meunier de son état, lequel était en 1836, meunier au moulin de Bas à Saint-Perdon. Cette famille était donc l’employée de Magdeleine Barrère-Castaing. Nous pouvons en conclure que la maison d’habitation qui n’existait pas lors du recensement de 1836, a été bâtie entre 1836 et 1841.
Le 24 Juin 1844, Louis-Victor Castaing, avec la permission du colonel commandant son régiment à Strasbourg, épousait au moulin, Jeanne Cazaux (1825-1857), native de Saint-Perdon.
Recensement de 1846.
- Moulin : Magdelaine Castaing, 66 ans, chef de ménage ; Victor Castaing 26 ans et sa femme Jeanne Cazaux, 22 ans, Marguerite Cazaux, 62 ans (belle-mère ?). Un domestique : Pierre Bernède.
- Métairie du Braut : famille Persillon (5 personnes) et familles Rollin (4 personnes).
Recensement de 1851.
Il existait trois sites distincts :
- Le Moulin : Victor Castaing propriétaire-meunier et son épouse Jeanne Cazaux. Leur fils Louis (1848-1850) n’avait vécu que deux ans. Deux domestiques : Inconnu Marie et Petit Jean.
- Moulin de Braut : Bats Pierre, locataire-journalier, 35 ans, sa femme et ses deux enfants.
- Métairie du Braut avec deux familles. Famille Dupeyron (6 personnes), famille de Joseph Cambert, garçon-meunier de 40 ans avec sa femme et ses trois enfants
Recensement de 1856.
- Moulin du Braut : Victor Castaing et son épouse, leurs enfants Louise (4 ans) et Jean-Jules (2 ans). Deux domestiques : Inconnu Baptiste, 18 ans ; Bernède, 16 ans.
- Métairie du Braut : famille Bernède : Bertrand Bernède, son frère et sa sœur.
Recensement de 1861.
- Moulin du Braut : Victor Castaing et Jean-Jules. Jeanne Cazaux (1825-1857), son épouse était décédée, ainsi que sa fille Louise (1851-1861). Un domestique.
- Métairie du Braut : Famille Catuhe (5 personnes) et 2 domestiques.
Recensement de 1866.
- Moulin du Braut : Victor Castaing et Jean-Jules. Un domestique et une servante.
- Métairie du Braut : Famille Sourigues (10 personnes).
Recensement de 1872.
- Moulin du Braut : Victor Castaing et Jean-Jules. Un domestique et une servante.
- Métairie du Braut : Famille Durou (4 personnes).
Recensement de 1876.
- Moulin du Braut : Victor Castaing et Jean-Jules. Un domestique et une servante.
- Métairie du Braut : Famille de Jean Marque (4 personnes).
- Locataire de la grange : Jean Bidaubayle.
Recensement de 1886.
- Moulin du Braut : Jean-Jules Castaing, son épouse Élisabeth Bourdères, Clotilde (3 ans), Gabriel (9 mois).Victor (était décédé en 1885) Un domestique et une servante.
- Métairie du Braut : Famille Tachon (5 personnes).
Recensement de 1891.
- Moulin du Braut : Jean-Jules Castaing, son épouse Élisabeth Bourdères, Clotilde (3 ans), Gabrielle (Louise) (3 ans).
- Métairie du Braut : Famille Lamothe (5 personnes).
Recensement de 1896.
- Moulin du Braut : Jean-Jules Castaing, son épouse Élisabeth Bourdères, Clotilde (3 ans), Gabrielle (Louise) (3 ans), Daniel (3ans).
Recensement de 1921.
- Moulin du Braut : Jean-Jules Castaing, son épouse Élisabeth Bourdères, Augustine (née en 1896).
- Petit Braut : Famille Labidalle (3 personnes).
Recensement de 1926.
- Moulin du Braut : Élisabeth Bourdères, meunier, patron. Jean-Jules Castaing était décédé en 1925.
- Petit Braut : Joseph Rollin, résinier, employé.
Recensement de 1931.
- Moulin du Braut : Gabriel Castaing et son épouse Thérèse Hermosa Mougin. Élisabeth Bourdères-Castaing était décédée en 1929.
- Petit Braut : Jean Bernède, cultivateur-métayer et sa femme.
Recensement de 1936.
- Moulin du Braut : Gabriel Castaing et son épouse Thérèse Hermosa Mougin
Le moulin du Braut aux XXe et XXIe siècle.
Un rapport de l’administration de 1926, nous apprend que le moulin du Braut bénéficiait d’une autorisation réglementaire du 31/10/1875, que l’exploitante était Élisabeth Bourdères (veuve de Jean-Jules Castaing), qu’il était alimenté par une chute d’eau, qu’il pouvait écraser un maximum de 8 quintaux en 24 heures (soit 800 kilos) et qu’il fonctionnait 150 jours par an. Ces caractéristiques étaient identiques à celles du moulin de Saint-Orens, dont l’exploitant était M. Darrieutort.
En 1934, un rapport de l’administration nous apprend que le moulin de Saint-Orens dont le propriétaire était M. Lacaze, était au chômage, alors que celui du Braut était en activité.
Lors du recensement de 1926, Élisabeth Bourdères y vivait seule, en qualité de meunière et patronne. Lors du recensement de 1936, seuls Gabriel-Narcisse Castaing et son épouse, habitaient le moulin.
Construite en amont du moulin, la maison du meunier fut détruite par un incendie avant la Deuxième guerre mondiale et reconstruite. Le dernier meunier du lieu a été Gabriel-Narcisse (1885-1950) qui s’était marié en 1920 à Asnières et qui vivait en 1921 à Juvisy-sur-Orge. Il a probablement regagné le moulin après le décès de son père Jean-Jules en 1925, afin d’y seconder sa mère.
Pendant la Deuxième guerre mondiale, le moulin fournissait clandestinement les habitants des environs en farine, au nez et à la barbe de l’occupant allemand, alors que l’autre moulin de Saint-Orens avait déjà cessé ses activités (source : Gilbert L… D…).
Le moulin du Braut restauré (Courtoisie de Bernard Gac, 2024). |
La maison restaurée du meunier du moulin du Braut (Courtoisie de Bernard Gac, 2024). |
Moulin du Braut entièrement restauré (photo de B-A Gaüzère, courtoisie de M. Bernard Gac, avril 2024). |
Étang du moulin du Braut (photo
de B-A Gaüzère, courtoisie de M. Bernard Gac, avril 2024).
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Le moulin du Braut a rythmé la vie familiale de la famille Castaing pendant plus de 150 ans,
… ainsi que la vie économique et sociale du quartier de Saint-Orens. D’après l’état-civil de Saint-Perdon (Archives des Landes), de nombreux actes d’état-civil familiaux de la famille Castaing s’y sont déroulés : au moins 9 naissances, 2 mariages et 6 décès.
Le premier quart du XIXe siècle a été l'apogée des moulins dans les Landes.
Le nombre de moulins s’est accru fortement dans les Landes, pour plusieurs raisons :
- La Révolution avait entraîné la confiscation des biens ecclésiastiques (dont les moulins) et des biens d'émigrés, ainsi que l'abolition des privilèges et la suppression des droits féodaux, favorisant la construction de nombreux moulins dont les meuniers pouvaient devenir propriétaires et non plus employés.
- L’importante activité agricole avec une augmentation des superficies consacrées aux céréales. « Ainsi, de 1789 à 1852, les superficies emblavées passent, dans le département, de 16 400 hectares à près de 23 900 ».
Il y avait plusieurs autres moulins à Saint-Orens et Saint-Perdon du XVIIIe au XXIe siècle.
Le moulin de Capbat, La famille Cazenave y habitait, sur le ruisseau le Larriou, au sud-ouest de Saint-Perdon, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Capvath, signifie à travers, en aval, vers le nord... Depuis 2020, il s’agit d’un gîte avec des chambres d’antan au confort moderne et d’une salle de réception. Le domaine se compose de l’ancienne maison de maître datant de 1829, devenue un gîte de 290 m² et d’une grange en pierre coquillière, devenue la salle de réception, de 125 m². Le parc arboré de 1,6 hectare abrite de vieux tilleuls, chênes, châtaigniers, pruniers, noisetiers…
Le moulin de Saint-Orens.
- D’après les cartes IGN, le bâtiment du moulin date de 1633.
- Le 26 septembre 1793, le moulin appartenant à l’émigré Ducournau Pébaste et donc confisqué par les révolutionnaires, avait reçu une soumission de Glize estimée à 1 350 livres, soit une valeur contemporaine de 14 021 euros (source : Gilbert Laffont-Dumon).
- En 1806, Jean Audijos, meunier et son épouse Jeanne Bousquet, meunière, et Gabriel Banos, 13 ans, meunier.
- En 1819, c’est la famille Lamothe (deux adultes, trois jeunes enfants et Suzanne Tachon, servante) qui habitait au moulin de Saint-Orens.
- En 1836, Jeanne Baché, âgée de 32 ans, en était propriétaire et meunier.
- En 1841, la propriétaire Jeanne Baché habitait la maison « Le Pouchiou », qui jouxte l’église, à l’entrée du chemin qui mène au moulin. Le meunier était Jean Lamarque qui y vivait avec Jeanne Vic, son épouse et Jean Laférerre, garçon meunier, ainsi que Jeanne Cazaux, servante.
- En 1846, y vivait la famille de Jean Duprat, meunier âgé de 35 ans, avec Jeanne Coupat, son épouse, âgée de 28 ans et meunière, et leurs trois enfants Marie, Marthe et Barthélémi.
- En 1851, alors que Saint-Orens comptait 331 âmes, le même meunier, Jean Duprat, son épouse et un quatrième enfant, ainsi que deux domestiques, y vivaient.
- En 1856, y vivaient 6 personnes : le meunier Jean Clavé, sa femme et ses trois enfants ; Jean Dupouy, 25 ans, domestique.
- En 1861, alors que Saint-Orens comptait 224 âmes, y vivait encore le meunier Jean Clavé (47 ans), cinq membres de sa famille et un domestique.
- En 1866, y vivait encore le meunier Jean Clavé, sa femme et leurs six enfants.
- En 1872, le meunier était toujours Jean Clavé (65 ans).
- En 1876, alors que Saint-Orens comptait 204 âmes, le meunier était Joseph Lasserre qui y vivait avec son épouse et Pierre Durou, domestique.
- En 1886, le meunier était un autre Jean Clavé, avec Jeanne Ducamp, son épouse. Jean Lalanne était meunier-domestique.
- En 1891, le meunier était Michel Clavé, avec trois personnes de sa famille.
- En 1896, Romain (ou Jean-Édouard), 61 ans, né à Lévignacq (Landes),
avec 5 personnes de sa famille, était le meunier.
- En 1921, le meunier était Léon Darrieutort, né en 1875 à Campagne, et sa famille de 5 personnes.
- En 1926, la même famille Darrieutort (4 personnes).
- En 1931, la famille Galaber (7 personnes). Le propriétaire était Gaston Lacaze.
- En 1934, un rapport de l’administration nous apprend que le moulin de Saint-Orens dont le propriétaire était M. Lacaze, était au chômage, alors que celui du Braut était en activité.
- En 1936, le moulin était devenu une auberge tenue par Pascal Daugé, né en 1877 à Saint-Étienne, et son épouse.
- Puis, plusieurs propriétaires se sont succédés, dont le peintre montois Claude Becq (1936-2005) qui a orné de fresques l’église de Saint-Orens ; Fritz et Doris, un citoyen suisse et son épouse qui dénaturèrent profondément le cachet sylvestre du site à coup de bétonnière.
- Depuis, une quinzaine d’années , le site est habité par
Danielle et Gilbert Laffont-Dumon
(Association de sauvegarde des moulins des Landes) qui ont
entrepris avec ténacité et succès de redonner son cachet à la maison du
meunier et au moulin qui n’était plus qu’un amas de ruines à leur arrivée. Le rêve devenu réalité d’une architecte d’intérieur,
artiste-peintre et d’un ingénieur maritime !
Le moulin de Saint-Orens
en 2023 (source : Gilbert Laffont-Dumon).
Au XIXe siècle, la commune de saint-Perdon comptait cinq moulins pour environ 700 à 800 habitants. Ce ratio d’un moulin pour 160 habitants, témoigne de l’importance locale de l’agriculture de subsistance. Les céréales et leurs farines représentaient alors environ 80 % de l’apport nutritionnel.
Tous nos remerciements vont à M. Jean-Marie Miramon descendant des meuniers du moulin du Braut, à M. Gilbert Laffont-Dumon (Référent Technique de l'Association des Moulins des Landes) propriétaire du Moulin de Saint-Orens, ainsi qu’à M. Bernard Gac propriétaire du Moulin du Braut.
Sources
- Archives départementales des Landes.
- Direction départementale des territoires et de la mer (Landes).
- Élise Miramon. Mon airial au fil du temps, ICN, Orthez 2023.
- Élise Miramon. Vivre à Barthe-Jouane, ICN, Orthez 2022.
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