Joseph Marie Jeanningros (1788-1845) - Des guerres napoléoniennes à la conquête de l’Algérie.

Soldat de Napoléon, engagé volontaire à l’âge de 14 ans, il naquit à Besançon le 26 septembre 1788. Sa fiche militaire nous le décrit : taille 169 cm, visage long, front haut, yeux gris, nez retroussé, bouche moyenne, menton rond, cheveux et sourcils blonds.

 

Fiche militaire de Joseph Marie Jeanningros

Source : https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/e0052a9a0e1e2b8c/52a9a0e2735c3

 

« Engagé volontairement à l’âge de 14 ans. Arrivé le premier prairial de l’an X (21 mai 1802) à la 20ème demi-brigade de ligne, devenue 20ème Régiment de ligne, le premier ventôse de l’an 12. Numéro 8321.

Fusilier, caporal le premier germinal de l’an 11, fourrier le 8 août 1806, sergent-major le 1er septembre 1806. Déserté en septembre 1807, condamné par contumace le 14 octobre 1807 à une peine de sept ans de travaux publics et 1500 Fr. d’amende. Rentré au foyer le 19 ( ?) 1807 sous escorte de la gendarmerie, jugé par (illisible) Général impérial, contradictoirement et remis en liberté le 30 ( ?) 1807 ». (NDLR : Dégradé, il a dû reprendre ses grades à zéro : fusilier le 1er décembre 1807, sergent le 6 octobre 1810).

Il a participé aux campagnes des années dites de l’an 14 à l’armée d’Italie ; 1806, 1807, 1808, 1809, 1810 ; celle de Naples ; 1811, 1812, celle d’Espagne. Il a été nommé sous-lieutenant le 4 octobre 1813, au 20ème Régiment de Ligne d'Espagne à Saragosse.

 

Pourquoi s’est-il engagé dans l’armée à l’âge de 14 ans ?

Par idéalisme ? Par conflit avec sa famille ? En raison d’un revers de fortune familial après le décès de son père, alors qu’il n’avait que 6 ans et du remariage de sa mère alors qu’il était âgé de 10 ans ? Il était issu d’une famille aisée et lettrée.

Son père Joseph (1746-1794) était huissier au baillage de Montgesoye, de Besançon et au tribunal.

Son grand-père Jean Simon (1709-1798) était vigneron à Montgesoye (Doubs) et meunier.

Son arrière-grand-père, Claude Anatolle (1670-1714) était laboureur à la grange du fournil et meunier à Montgesoye.

Son arrière-arrière-grand-père, Nicolas Cali, décédé en 1706, était échevin d'Athose et prudhomme.

Un autre de ses ancêtres Valère (décédé vers 1630) était prudhomme à Athose en 1600.

 

Il a certainement rencontré sa future femme, Françoise Lluesma, en Espagne dans la région de Valence 

… et l’a ramenée à Besançon, lors de la débâcle de 1813-1814. 

Sur son acte de mariage le 25 janvier 1815 à Besançon, il s’est déclaré officier démissionnaire. En effet, Napoléon 1er avait été déchu par le Sénat le 3 avril 1814 et exilé sur l’Ile d’Elbe le 3 mai 1814. La Grande-Armée avait été réduite. Il aurait été en inactivité militaire de 1815 à 1825.

Nous le retrouvons lieutenant à la 2ème compagnie du 4ème bataillon du 66ème Régiment de ligne en cantonnement à La Seyne-sur-Mer, sur l’acte de décès de son fils Édouard-Louis, le 9 août 1832. Son épouse était alors domiciliée à Besançon.

 

Par la suite, le 4ème bataillon du 66ème Régiment de ligne a fait partie de l'armée d'Oran, dans le cadre de la conquête de l'Algérie par la France. Joseph Marie et son fils Pierre-Jean-Joseph (1816-1902), futur Général (admis à la retraite le 17 janvier 1882 après 51 ans de service, 30 campagnes (Algérie, Crimée, Mexique, guerre de 1870), 6 blessures et après avoir servi le Roi, l'Empire et les deux républiques), faisaient partie du 4ème bataillon : le fils comme simple soldat, le père comme lieutenant. C’est ainsi que la famille a pris pied en Algérie. De façon certaine, Pierre-Jean-Joseph a été blessé à deux reprises à la bataille de la Macta en 1835, une victoire algérienne.

 

Joseph Marie a terminé au grade de capitaine lors de sa retraite militaire (1838, alors que le régiment devait être rapatrié en France ?) et avait été fait chevalier de la Légion d'honneur. Puis, il a été receveur civil de l'abattoir de Blida. Il est décédé à son domicile, rue Sidi Abdelkader à Blida (Algérie), le 26/11/1845.

 

Une famille nombreuse au fil des affectations militaires.

Sur son acte de mariage du 25 janvier 1815, nous apprenons que le marié est officier démissionnaire du 20ème Régiment de ligne ; que sa mère est présente ; que la mariée est née à Moncada qui est une commune très proche de Valence (Espagne) ; que l’un des témoins est François Jeanningros, propriétaire, 63 ans, oncle du marié ; que le père de la mariée - Vincent Lluesma - est marchand de vin à Valence (Espagne) et que la mère de la mariée se nomme Marianne Doménech ; que les époux reconnaissent leur fille Charlotte-Françoise, née à Besançon, le 8 septembre 1814 quelques mois avant leur mariage.

 

Registre des mariages, 4 janvier - 20 septembre 18151 E 609 Mémoire Vive patrimoine numérisé de Besançon

https://memoirevive.besancon.fr/ark:/48565/k1l35znwthj4/35ab0c3a-43cc-4bae-8dda-0b0fa876b055

 

De 1814 à 1842, Françoise et Joseph Marie ont eu 14 ou 15 enfants. Deux filles sont nées en Espagne, trois autres dans les Pyrénées-Orientales, deux à Toulouse, un à la Seyne-sur-Mer...

 

Signature de Joseph Marie Jeanningros, sur l’acte de naissance de sa fille Françoise Charlotte, le 9 septembre 1814, à Besançon.

Registre des naissances, 18141E604Mémoire Vive patrimoine numérisé de Besançon, page 268

https://memoirevive.besancon.fr/ark:/48565/bczmv1fdgtwr/fe2ddb7c-48a1-48b0-b525-b60228577752

 

Le premier enfant né en Algérie (Oran) est Louis Émile en 1833 (décédé l’année suivante), puis suivent une naissance en France (Gard en 1837) et une autre naissance en Algérie (Blida) en 1842.

Un fils a été général, un autre capitaine des Zouaves, un autre administrateur arabe et sous-préfet en Algérie.

L'installation de la famille en Algérie a eu lieu, par mutation militaire, entre le décès de son fils Édouard-Louis, le 9 août 1832, à La Seyne-sur-Mer et la naissance de Louis Émile à Oran en 1833, avec ensuite, plusieurs allers et retours en France, au fil des périodes de congés.  

Françoise Lluesma s’est éteinte à son domicile de la rue Saadi à Blida, le 16 février 1896, à l'âge de 82 ans (État-civil européen d'Algérie - Archives nationales d'outre-mer, Blida, Acte n°48). La famille s’était donc définitivement installée en Algérie, à Blida, puis à Oran.

 

La guerre d’Espagne.

La guerre d'indépendance espagnole a opposé l'Espagne des Bourbons, le Portugal et le Royaume-Uni à la France du Premier Empire entre 1808 et 1814, dans le contexte des guerres napoléoniennes.

La guerre a commencé en 1808 lorsque Madrid s’est soulevée contre l’armée française qui l'occupait. L’insurrection se généralisa à tout le pays après que Napoléon eut obtenu l’abdication du roi d’Espagne au profit de son frère Joseph. L’armée française se heurta à une guérilla puis à l’armée britannique venue aider le Portugal, également occupé par les troupes de Napoléon.

La campagne de Russie (deuxième erreur de Napoléon 1er avec la guerre d’Espagne) obligea l’empereur à dégarnir de troupes l’Espagne. Wellington en profita et pénétra à Madrid le 12 août 1812, les troupes britanniques, espagnoles et portugaises ayant battu les troupes françaises lors de la bataille de Salamanque, le 22 juillet 1812.

En 1813, les soldats de l’empereur refluent en deçà des Pyrénées poursuivis par les Espagnols, les Britanniques et les Portugais commandés par Wellington (celui de Waterloo). Le sud-ouest de la France est envahi. Cette campagne s'achève à Toulouse où une inutile dernière bataille est livrée le 10 avril 1814 alors que Napoléon a déjà abdiqué depuis quatre jours à Fontainebleau.

Au cours de cette désastreuse guerre, la France a perdu 217 000 hommes et l'Espagne environ 390 000 militaires et 650 000 civils.  

 

La conquête de l'Algérie par la France.

Elle a débuté par le débarquement de l'armée d'Afrique à Sidi-Ferruch (Alger) le 14 juin 1830 commandée par le général de Bourmont. Elle s'est achevée en partie lors de la reddition de l'émir Abdelkader au duc d'Aumale, le 23 décembre 1847. Cette phase initiale de la conquête s’est terminée par la soumission des populations d'Algérie à la Royauté puis plus tard par la création des départements français d'Algérie en décembre 1848. Des campagnes de pacification du territoire continuèrent cependant durant des décennies qui suivirent, et la conquête du Sahara ne fut achevée qu'en 1902.

Dès 1830, la conquête de l'Algérie s’est accompagnée d'une colonisation de peuplement forcée par la nécessité de ravitailler en vivres les forces militaires grandissantes : les militaires français sont devenus des colons en s'installant dans le territoire conquis. Ils ont été par la suite rejoints par des Corses, des Alsaciens-Lorrains dont la région a été annexée par l'Allemagne en 1871, mais également par un petit nombre d'immigrants étrangers des pays méditerranéens frontaliers, surtout d'Espagne, mais aussi d'Italie.

 

Le 66e régiment d'infanterie (66e RI).

Il s’agit d’un régiment d'infanterie de l'Armée de terre française créé sous la Révolution à partir du régiment de Castellas, un régiment d'infanterie suisse au service du Royaume de France. https://fr.wikipedia.org/wiki/66e_r%C3%A9giment_d%27infanterie

Les 3ème et 4ème bataillons ont fait partie de l'armée d'Oran, dans le cadre de la conquête de l'Algérie par la France. Père et fils Jeanningros faisaient partie du 4ème bataillon, le fils comme simple soldat, le père comme lieutenant.

La bataille de la Macta, où fut doublement blessé le fils, a eu lieu le 28 juin 1835, près de la rivière de la Macta dans l'actuel ouest algérien, entre les troupes françaises du général Camille Alphonse Trézel et une coalition de guerriers tribaux de l'émir Abdelkader. La colonne française, qui avait subi des pertes lors d'une bataille avec Abdelkader quelques jours plus tôt, se repliait vers Arzew pour se ravitailler, lorsque Abdelkader l'attaqua dans les marais sur les rives de la Macta.


 

Bataille de la Macta.

Par Mansour31 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=123431312

En 1833, les bataillons épuisés et décimés par le choléra furent envoyés en convalescence à Mers-el-Kébir et à Oran, où ils tinrent désormais garnison. Puis, ces deux bataillons ont été rapatriés en métropole en 1839. Une partie des militaires les composant, avaient alors décidé de prendre leur retraite militaire en Algérie. Ce fut le cas de Joseph Marie et de sa famille.

 

Pourquoi avoir reconstitué la vie de Joseph Marie Jeanningros ?

Car il est l’ancêtre d’une cousine de l’auteur de ce blog, dont le père est né à Campagne-de-Marsan (Landes).

 

Sources

 

 



 


 


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