L’hôpital de Fulton au Kansas, en 1918. La grippe espagnole a durement frappé les États-Unis avant de toucher l'Europe © Crédit photo : Wikimédia/Otis Historical Archives Nat'l Museum of Health & Medicine. |
Touchée, mais dans quelles proportions ?
Voici comment procéder pour le savoir :
- Récupérez, si possible, sur le site internet de votre commune l’histogramme de l’évolution démographique de votre commune depuis le début des recensements, afin d’avoir une idée globale de l’évolution de la population, bien avant, pendant et après la guerre.
- Consultez les archives départementales et relevez simplement le nombre des décès des civils de votre ville pendant la période 1910 à 1921, soit quelques années avant et quelques années après le conflit.
- Ne prenez pas en compte les décès des miliaires au front – faciles à repérer parce qu’ils font l’objet d’une transcription, donc d’un texte plus long – de 1914 à 1918.
- Comparez les chiffres de la mortalité de l’année 1918 et de l’année 1919 (années de la grippe espagnole) avec ceux des années 1910 à 1917 et de 1920 à 1921. Si la mortalité annuelle moyenne des années 1918 et 1919 est bien supérieure à celle des années 1910 à 1917 et de 1920 à 1921, l’excès de mortalité est possiblement dû à la grippe espagnole.
- Osez une conclusion.
L’exemple de Campagne-de-Marsan (Landes), petit village d’un millier d’âmes.
Histogramme de l’évolution démographique de Campagne-de-Marsan (Landes) de 1800 à 2020. |
Nombre de décès civils à Campagne-de-Marsan (Landes) de 1910 à 1921 (AD40 Campagne-Décès-1905 - 1927-4 E 61 /28). |
De cette analyse sommaire, il ressort que le déclin démographique de Campagne - par le mécanisme de l’exode rural - avait commencé dans les années 1870 et s’est poursuivi jusque dans les années 1970. La perte du nombre d’habitants pendant la guerre de 1914-1918 a été d’environ 80, soient environ 37 Poilus tués à la guerre et 100 civils décédés dans la commune pendant cette période.
En guise de conclusion, il semble que la grippe espagnole n’ait pas décimé la commune de Campagne. D’une part, la faible densité de population (30 habitants / km2) a été peu propice à la diffusion par voie respiratoire du virus, lors de la toux ou des éternuements ; d’autre part l’autosubsistance alimentaire dans cette population rurale a été protectrice.
Toutefois, dans ce petit village d’un millier d’âmes, la faiblesse des effectifs et les fluctuations de l’échantillonnage, ne permettent pas d’établir une certitude statistique.
La grippe dite « espagnole » en France hexagonale et d'outremer.
En France, il semble que le nombre de morts ait atteint 400 000 en juin 1919, débordant les services funéraires. « Lyon, qui manque de corbillards et de cercueils, est obligé de transporter les cadavres dans des linceuls improvisés, à même les charrettes, et de les enterrer la nuit. Des scènes identiques se déroulent à Paris où, dans la dernière semaine d’octobre, meurent 300 personnes par jour », peut-on lire dans Vie et mort des Français, 1914-1918 (ouvrage collectif, éd. Hachette, 1962).
Cadavres des victimes de la grippe espagnole s’empilant devant le cimetière de l’Est à Saint-Denis-de-La-Réunion, en 1919 (Source : collection Koenig, La Réunion). |
Fosses communes des victimes de la grippe espagnoles, cimetière de l’Est à Saint-Denis-de-La-Réunion (Source : B.-A. Gaüzère, 2014). |
Selon Hubert Bonin et Pierre Guillaume, le Sud-Ouest de la France a été touché par la grippe dite « espagnole », expression employée par "La Petite Gironde" dès août 1918, avec trois vagues successives : en mars 1918, surtout en septembre-décembre 1918 et en février-mai 1919. En 1918, Bordeaux présente « une poussée de 38 % de la mortalité puisqu’on y relève 8 543 décès, contre 6 102 et 6 317 ». La moitié des victimes étaient de jeunes militaires, dont beaucoup de soldats africains.
Voici les conseils prodigués par le professeur Xavier Arnozan, dans "La Gironde" du 15 octobre : « Individuellement, quelques précautions peuvent être prises. On conseille en particulier d’appliquer à l'entrée des narines, deux ou trois fois par jour, un peu de la pommade suivante : résorcine 40 centigrammes, soufre précipité vingt centigrammes, menthol 20 centigrammes, vaseline vingt grammes, ou bien introduire dans les fosses nasales, trois fois par jour, quelques gouttes d’huile goménolée. Pour la gorge, il est bon de toucher les amygdales, deux fois par jour, avec le mélange suivant : glycérine, neuf grammes ; teinture d’iode, un gramme ; ou bien se gargariser avec un mélange d’une cuillerée d’eau oxygénée avec un verre d’eau chaude, ou encore avec la liqueur de Labarraque, en solution à 5 %. Dès que l’on a la fièvre ou le frisson, il importe de se mettre au lit et à la diète, de prendre des boissons chaudes et, si le mal s’accentue, d’appeler le médecin ou de se faire admettre à l’hôpital ».
Un mal pour un bien : la naissance de l’ancêtre de l’Organisation Mondiale de la Santé.
Après la guerre, les pays se sont organisés pour lutter contre de futures pandémies. Le Traité de Versailles a mis en place le Comité d’hygiène de la Société des Nations, qui donnera naissance à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1948, chargée de combattre les maladies à travers le monde.
Sources
- Marine Dumeurger. La grippe espagnole : le tueur invisible de 1918. Géo 2020.
- Freddy Vinet, La grande grippe. 1918. La pire épidémie du siècle, Paris, Vendémiaire, 2020.
- Archives des Landes : Campagne-Décès-1905 - 1927-4 E 61 /28
- Hubert Bonin, Pierre Guillaume. La Gironde frappée par l’épidémie de grippe en 1918–1919. Journal Sud-Ouest, Publié le 22/04/2020.
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