Prénoms et noms insolites donnés aux enfants trouvés ou naturels à Campagne (Landes) au XIXe siècle.

Les registres de l’État-civil de Campagne (Landes) du XIXe siècle mentionnent environ 130 enfants de père, voire de père et de mère inconnus.

Certains ont été affublés des noms et des prénoms peu communs, voire plaisantins. Une façon de plus de stigmatiser ces infortunés. Jugez-en !

 

Pantaléon Bonaventure

Le 8/8/1840, naissance au Bourg de Pantaléon Bonaventure Dupeyron. Mère Jeanne Dupeyron, père inconnu.

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437db79b/52cbf811e59bd

 

L'acte de naissance de Pantaléon Bonnaventure

 

Dans ce cas, l’enfant a pris le nom de sa mère, mais il lui a été un prénom insolite comme pour lui donner chance dans sa vie : Pantaléon est de saint protecteur du village, et Bonaventure lui souhaite de pouvoir mieux poursuivre son existence, qu’elle n’a commencé. Ce qui lui réussit, car Pantaléon Bonaventure, entre-temps devenu tailleur d’habits (tout comme Jean Lalane qui le déclara en mairie et qui lui apprit le métier), s’est marié à l’âge de 23 ans.

 

Romain, trouvé sur un four

Le 29/02/1860 à Capderot, l’enfant a été dénommé Romain Four, âgé d’environ 1 mois. « L’enfant a été trouvé sur le four à cuire le pain, situé lieu Capderot, à cinq heures du matin ».

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437cfa2c/52cbf80a29041

Le lieu où l’enfant a été trouvé a déterminé son nom de famille. Notons que la maman a hésité pendant un mois à prendre cette décision difficile et a choisi un endroit chaud, en ce mois d’hiver, pour donner à son enfant le maximum de chance de survie. De fait, Romain a survécu et s’est marié le 24 février 1899 à Morcenx et est décédé à Ygos, le 21 novembre 1913.

 

Marie trouvée dans un fossé

Le 30/04/1868, Marie Dufossé, âgée de « 2 ans au moins » a été trouvée exposée dans le fossé de la route impériale, ce matin à 1 heure », au Bourg, de père et mère inconnus. D’où son nom

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437cfa2c/52cbf80a43d2b

 

Marie s’est mariée à Mont-de-Marsan vers 1888.

 

Notre parent Joseph Flocel : mais pourquoi donc Flocel ?

Dans notre famille, Joseph Flocel (1842-1902) a été présenté à la mairie de Mont-de-Marsan au lendemain de sa naissance, par le secrétaire de l'hospice, Monsieur Jean-Julien Caillebeau, âgé de 57 ans. Il avait été déposé devant l’hospice de Mont-de-Marsan.

 

Voici l’histoire du prénom Flocel (du latin : flos, fleur). « Passant à Autun, en Bourgogne, vers 260, Valérien prononce un discours virulent contre le christianisme qui s'étend rapidement dans la région, surtout depuis l'exécution de Symphorien, un adolescent martyrisé à la fin du 2ème siècle et vénéré partout en Gaule comme un héros national. Mais l'empereur est interrompu par les cris d'un enfant de douze ans, Flocel, aussitôt saisi et amené aux pieds de Valérien. Empli de l'Esprit-Saint, le garçon se met à réciter, sous le nez du césar ahuri par une telle audace, toutes les prières de louange dont il se souvient. Il est aussitôt fouetté par les gardes malgré les protestations de la foule des chrétiens, sommé d'apostasier et, sur son refus, livré aux bourreaux. Saint-Flocel est l'un des plus jeunes Français inscrits au martyrologe ».

(Source : https://www.prenoms.com/prenom-fille/flocel-11888).


Quelques définitions sur les « types » d’enfants et la légitimité

 

« Enfant naturel ou illégitime : enfant né de personnes non mariées. Dans les faits, il s’agit le plus souvent d’enfant dont la naissance est déclarée sans père connu et de mère célibataire. Le droit des enfants naturels, même reconnus, restaient réglés au titre des successions et non pas de plein droit comme pour les enfants légitimes. 

 

Enfant abandonné (décret du 19 janvier 1811) : enfant, né de père et de mère connus et d’abord élevé par eux ou par d’autres personnes à leur décharge, délaissé ensuite sans qu’on ne sache ce que les père et mère sont devenus, ou sans qu’on puisse recourir à eux. En pratique au XIXème siècle, la catégorie des enfants abandonnés comprenait tous les enfants recueillis par l’hospice même provisoirement, qui ne pouvaient être classés ni parmi les enfants trouvés, ni parmi les orphelins pauvres (enfants qui, n’ayant ni père ni mère, n’ont aucun moyen d’existence), et même semble-t-il, une partie des enfants qu’on aurait pu classer dans ces catégories. 

 

Enfant trouvé (décret du 19 janvier 1811 créant l’Assistance Publique) : enfant, né de père et de mère inconnus, trouvé exposé en un lieu quelconque ou porté dans les hospices destinés à le recevoir. Les enfants abandonnés en secret, notamment les enfants nés dans les hospices, de femmes admises à y faire leurs couches et délaissés par leurs mères, font partie de cette catégorie.
La plupart des « enfants trouvés » étaient déposés dans les tours d’abandon des hospices, cylindre tournant accessible depuis la rue dans lequel on pouvait déposer anonymement et sans être vu, un bébé pour qu’il soit pris en charge par l’hospice. En France, les tours d’abandons ont été légalisés par le décret du 19 janvier 1811
 ».

 

Le service d’aide aux enfants abandonnés et trouvés

 

« Le décret impérial du 19 janvier 1811 rend obligatoire la création d’un service préfectoral dédié à l’aide aux enfants abandonnés et trouvés. Les différentes catégories d’enfants (enfants trouvés, enfants abandonnés et orphelins pauvres forment les « pupilles de l’Etat ». Pour dénommer l’enfant anonyme, le personnel des hospices va s’appuyer sur la législation en vigueur qui suggère de leur donner un nom emprunté « soit à l’histoire des temps passés, soit dans les circonstances particulières à l’enfant, comme sa conformation, ses traits, son teint, le pays, le lieu, l’heure où il a été trouvé ; […] il faut rejeter avec soin toute dénomination qui serait indécente, ridicule ou propre à rappeler, en toute occasion, que celui à qui on le donne est un enfant trouvé ». Depuis la loi du 11 Germinal an XI (1er avril 1803), le prénom des enfants trouvés devait quant à lui être choisi parmi ceux « en usage dans les différents calendriers et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne ».

 

Quelques données en France

 

« La naissance d’enfants naturels représente moins de 2 % des naissances en 1750, 5 % en 1800, près de 9 % de 1890 à 1914, puis décline à 6 % en 1938-1939 et de 1955 à 1968 après la disparition des effets de la guerre. Avec la croissance à la fin des années 1960, les naissances illégitimes de 1973-1975 retrouvent le niveau de 1890-1914 ».

« Le devenir de ces enfants évolue également au fil du temps. Il est le suivant, sur 100 enfants naturels à ces différentes époques :

  • au début du XIXème siècle : 40 étaient abandonnés, dont 25 dans un lieu public avant même la déclaration de leur naissance. On estime qu’environ 45 enfants décédaient avant leur premier anniversaire ; pour les enfants trouvés ou abandonnés, cette proportion monte à près des deux tiers.
  • vers 1850 : près de 60 enfants naissaient de parents inconnus (c’est-à-dire non dénommés dans l’acte), seulement 15 étaient abandonnés avant la déclaration de leur naissance dans un lieu public puis 10 autres étaient abandonnés postérieurement à la déclaration. Un tiers des enfants décédaient avant l’âge d’un an. Dix enfants étaient reconnus par leur père à la naissance, sans doute 15 postérieurement. Près de 20 enfants (un survivant sur trois) était légitimé.
  • vers 1900 : moins d’un enfant trouvé ne possédait pas d’acte de naissance, 15 étaient abandonnés. 25 décédaient avant leur premier anniversaire. 17 étaient reconnus par leur père à la naissance, et 30 postérieurement. La légitimation concernait 27 enfant (près d’un survivant sur trois).

 

Source : https://scribavita.fr/blog/nom-famille-enfant-naturel-theorie

 

Les noms des enfants trouvés ou l’étrange amusement d’un rond-de-cuir

 

« Au hasard des pages tournées des anciens registres de catholicité des 17e et 18e siècles, on trouve de temps en temps, trace d’un enfant abandonné au pied d’une croix, sous le porche d’une église ou devant l’entrée d’une maison bourgeoise. La première urgence pour le curé était de baptiser l’enfant en lui trouvant un parrain et une marraine qui donnaient leur prénom à l’enfant trouvé. C’est ce qui devait lui servir toute sa vie, d’état-civil. Avant de les confier à un orphelinat, une nourrice et plus tard à des familles d’accueil, il fallait très souvent leur donner un nom, à moins que l’on ait inscrit celui-ci sur un bout de papier épinglé à un vêtement de l’enfant ».

 

Les Archives Départementales de la Loire ont mis sur leur site des registres du 19e siècle, regroupant les noms des enfants trouvés, souvent les familles d’accueil et parfois d’autres informations plus rares, mais précieuses pour qui fait des recherches généalogiques.

Par curiosité, nous avons feuilleté virtuellement le premier de ces gros registres concernant la circonscription de Saint-Étienne, contenant plusieurs milliers de noms d’enfants trouvés entre 1838 et 1869...

 

Nous n’avons pas découvert de noms péjoratifs ou grotesques comme ce fut le cas à des époques antérieures, tels que Lagueule, Misère ou Lacloche.

 

Il (le scribe) prenait des thèmes successifs : les villes par exemple ! Alors défilaient des séries de « Lizieux, Marly, Turin, Gap, Lepuy, Saumur, Grasse, Sedan, Vouziers, Nogent, Montluçon, Nice...  » Lassé des noms de villes, il passait ensuite aux prénoms dont le calendrier est une source inépuisable : Bienvenu, Angel, Laurent, Bernard, Tristan...

C’étaient ensuite les animaux de la basse-cour ou de la campagne tels Lièvre, Faisan, Brebis puis les noms de métiers comme Valet ou Cuisinier...

Il décida de faire de l’esprit, et il joua avec les mots et les noms des enfants et en toute impunité :
Quand il avait à baptiser deux enfants, il les appelait, le premier, Tambour et le second Major, ou bien encore, il prenait une expression ou un mot composé de plusieurs syllabes qu’il découpait en deux ou trois tronçons : Insy, Soit, Thil faisait pour trois. Capi Taine ou plus simplement Capot Rale , pour deux seulement.

 

Ces plaisanteries allaient se tarir vers 1862 ou alors, le chef de bureau prit-il une retraite bien méritée ? On décida alors de changer de lettre chaque année. Ainsi, en 1862, à Saint-Etienne, tous les enfants trouvés eurent un nom commençant par A, par B en 1863. Quand on arriva à la lettre H, les responsables durent donner aux enfants des noms à consonances anglaises (Harold) ou germaniques (Hermann) voire latines (Hamodius)...

Mais on avait cessé de jouer avec le nom d’enfants qui partaient dans la vie déjà avec un certain handicap ».

 

Source 

 

Les noms des enfants trouvés ou l’étrange amusement d’un rond-de-cuir (jean Vigouroux)

 

 

https://www.histoire-genealogie.com/Les-noms-des-enfants-trouves-ou-l-etrange-amusement-d-un-rond-de-cuir

 

 

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