Lucien Artur, de père et mère inconnus, abandonné à Campagne-de-Marsan (Landes).

Dans la nuit noire, s’avance une silhouette furtive et craintive qui tente d’étouffer le bruit que font ses esclpots (1) sur le sol. Douloureuse, courbée, en larmes, ses bras sont chargés d’un précieux petit fardeau… Voilà que mon imagination s’envole à la découverte d’un acte bien particulier du registre d’état-civil de Campagne-de-Marsan, (Landes)… Le 28 octobre 1849, Jean Darroze, le maire de Campagne, consigne dans le registre de l’état-civil, un enfant de père et mère inconnus qui sera nommé Lucien Artur.

 

Acte de découverte de Lucien Artur.

 

C’est la description détaillée de l’enfant qui est touchante.

D’une part sa mère savait écrire – un fait très rare au fin fond de la lande - d’autre part toutes les précautions avaient été prises pour le voyage dans ce monde et éventuellement dans l’autre, au cas où… Des vêtements chauds et le baptême.

 

Il a été présenté par le sieur Arnaud Vives, propriétaire : « Enveloppé dans un maillot garni de plumes de volaille avec deux petites chemises, deux langes, un bonnet d’indienne, le tout accompagné d’un billet indiquant qu’il avait reçu l’eau du baptême et qu’il était né dans la matinée du 26 courant, qu’il nous dit avoir trouvé quelques minutes avant, exposé devant sa porte. Nous avons inscrit cet enfant sous le prénom de Lucien et sous le nom d’Artur ».

 

Hélas, comme bien souvent, le petit ange ne passa pas l’hiver. Il fut transféré à l’hospice de Mont-de-Marsan (chef-lieu du département des Landes) qui le confia à une famille habitant la maison Lassuche à Classun, dans le canton d’Aire au sud-est des Landes. Il s’y est éteint le 25 février 1850, à une heure du matin, à l’âge de 4 mois.

 

Une des raisons les plus courantes pour l'abandon des bébés dans le passé est le fait qu'ils étaient conçus hors mariage.

Dans notre cas, le bébé avait été déposé devant la porte d’une personne honorablement connue et dont la mère savait qu’elle réagirait rapidement. 

 

Les tours d'abandon.

Dans les villes, les enfants étaient déposés la nuit dans des tours d'abandon généralement situés dans des hôpitaux (hospices en France jusqu'en 1940) ou dans des centres sociaux), et qui consistaient en une boîte tournante dans le mur de l'hospice (d'où le nom de tour). La mère faisait tourner la boîte pour soustraire l’enfant aux intempéries et aux animaux errants, puis sonnait une cloche pour avertir le personnel de l'établissement, avant de s’évanouir dans la nature. Parfois, elle glissait dans les vêtements du bébé, une moitié de carte à jouer déchirée ou une moitié de document déchiré qui permettraient plus tard, d’éventuelles retrouvailles, si les deux morceaux coïncidaient et si l’enfant avait survécu. Ce genre d'arrangement était courant en Europe lors du Moyen Âge et au cours des XVIIIe et XIXe siècles.

 

La tour d'abandon de l'hospice de Rouen au cours du XIXe siècle qui reçut 900 enfants (source : B-A Gaüzère, 2017).     

 

(1) Esclops : hauts sabots de bois inusables portés dans les Landes.
 

Sources

 



 

 

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