"Depuis que cet endroit s’est rendu très marécageux, le bourg fournit considérablement des malades, et même des morts".
Délibération du Conseil municipal relative à la Grande route qui traverse le bourg de Campagne, tenue par Monsieur Jacques Destanque, maire ; Pierre Fauthouz, Pierre Dupuy, Jean Dumartin, Ferdinand Lacoste, Jean Bernède, Pierre Vives, Bernard Banos, Jean Cazaux, B. Séguès, membres du Conseil municipal.
Séance du 19 pluviôse de l’an 13 (8 février 1805).
« Sur la proposition d’un membre que la grande route qui traverse le bourg devient de jour en jour impraticable, et que depuis que la poste est établie dans le bourg, les habitants qui l’habitent, ne pouvant sortir du seuil de leur porte à raison des boues immondes qui s’y trouvent, et occasionnés par la poste. Cet objet devant interpeller, d’une manière très conséquente, des habitants qui y sont fixés par leur domicile, le Conseil municipal ne peut fixer son attention, plus humainement à sa proposition, attendu qu’il est aisé de reconnaître et d’apercevoir que depuis que cet endroit s’est rendu très marécageux, le bourg fournit considérablement des malades, et même des morts, et que l’état-civil peut facilement nous convaincre de la vérité.
Tous les membres du conseil ayant approuvé cette proposition, demandent et prient Monsieur le préfet du département d’ordonner que le bourg de la commune de Campagne soit pavé et propose au gouvernement le transport de deux cents kaar* de pierre au frais des habitants pour vu toutefois que ladite pierre soit extraite ».
Délibéré à Campagne même jour et ayant que dessus.
Notes
En France, au début du XIXe siècle, sous le Premier Empire, il existait près de 1 400 maîtres de poste ; 16 000 chevaux sont répartis dans les différents relais.
Sur la route impériale (puis royale) qui reliait de chef-lieu du département, Mont-de-Marsan, à Bayonne, les relais étaient espacés d’environ quinze kilomètres, soit cinq relais, sans compter les relais de départ et d’arrivée : Campagne, Tartas, Pontonx, Saint-Paul-lès-Dax et Saint-Geours.
Le centre du bourg avait été transformé en un
vaste cloaque, car il est question dans le texte de « boues immondes » !
La grande route était devenue impraticable : il n’existait ni trottoirs,
ni chaussée, mais un simple chemin de terre sablonneuse.
Avec le relais de poste, deux autres sortes de voyageurs s’étaient invités dans le bourg : les mouches et les moustiques.
On peut aisément imaginer que les chevaux ont apporté leurs mouches parasites dont Hippobosca equina (ou hippobosque du cheval, ou encore mouche plate ou mouche-araignée), qui vit sur le cheval en quasi-permanence et qui, tapie sous la queue ou sur la face interne des cuisses, se déplace sur l’animal comme une araignée. Les nombreuses déjections des attelages de chevaux ont attiré d’autres mouches et parasites dans le bourg.
De nos jours, il est bien connu que les mouches peuvent transmettre des pathogènes dangereux pour l’homme, via leurs pièces buccales, notamment des bactéries : salmonella, Escherichia coli, shigella et des virus : virus de l’hépatite A, rotavirus…
Le Conseil municipal évoque un véritable marécage au centre du bourg, vraisemblablement créé puis entretenu par les ornières occasionnées par les chevaux et les roues des diligences. Or ces étendues de boue et d’eau sont connues comme étant très insalubres, avec des réservoirs de moustiques (anophèles, aedes, culex…), vecteurs de maladies potentiellement mortelles, avec une recrudescence après les pluies. Rappelons que le paludisme a durement frappé les Landes jusqu’à la fin du XIXe siècle, jusqu’à ce que les plantations de pins et le drainage des marécages assainissent le territoire.
Par la suite, à une date non connue de l’auteur, le relai de poste a été déplacé le long de la route impériale à 1 km du centre du village, vers Dax et Bayonne.
Lexique
*Kaar : ancienne charrette. À l’origine de car en anglais, de car et autobus en français ?
Autre définition : palanquin, selle en panier, espace fermé érigé sur une selle de chameau.
Source
AD40 Campagne-1803 - 1857-E DEPOT 61/1D1, page 7
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