Procès-verbal (AD40 Campagne-1803 - 1857-E DEPOT 61/1D1, page 158). |
« Ce jourd’hui, 29 du mois de septembre 1854, à 9 h du matin, nous maire de la commune de Campagne, sur la plainte qui nous a été faite par Monsieur Grignon, commandant du 11e de ligne, que le sieur, Bertrand Darricau, boulanger, vendait du pain au-dessus du taux fixé par la taxe, nous nous sommes transportés à son domicile et l’avons interrogé sur sa contravention. Il nous a répondu qu’il avait fait du pain pour le transporter à une foire voisine avec l’intention de le vendre à 0,25 Fr. Nous lui avons déclaré alors qu’il était en contravention à la taxe du 26 juillet 1854, qui fixe le prix à 0.20 Fr. et demi le kilo, et que par suite de cette contravention, nous lui avons déclaré procès-verbal que nous avons dressé pour être donné telle suite qui de droit.
Fait à la mairie de Campagne, le jour, mois et an, que dessus.
Le maire Darroze ».
Six mois plus tard, le Sieur Darricau recevait de nouveau les félicitations du jury.
L’an 1855 et le 22 du mois de mai, vers 10 h du matin, par-devant nous, Jean-Baptiste Fauthouz, adjoint au maire de la commune de Campagne, en l’absence de Monsieur le maire, agissant en vertu de la délégation spéciale qui nous a été donnée par ce dernier, s’est présenté le nommé Pierre Fournet, meunier, domicilié à Saint-Martin, demeurant au moulin de Campet, pour nous faire la plainte suivante :
« Je me suis rendu aujourd’hui chez le sieur Bertrand Darricau, boulanger, pour lui réclamer deux sacs en toile et 5,25 Fr. provenant du reste du montant du vente de farine de froment que je lui avais vendue précédemment. Arrivé au domicile du Sieur Darricau, celui-ci a soulevé une discussion et a prétendu que je ne lui avais point fourni le poids de la farine convenu, que ma romaine était fausse ; nous avons pesé alors un sac de farine avec ma romaine, et elle a marqué dans un équilibre régulier, le poids de 75 kg, quantité convenue entre nous. Le sieur Darricau a déclaré qu’il n’acceptait point cette manière de peser et il a poussé le poids de deux ou 3 kg de plus ».
« Alors il s’est établi une discussion entre nous pendant laquelle j’ai exprimé au sieur Darricau qu’on m’avait instruit qu’il était un chicaneur et qu’il avait discussions avec presque toutes les personnes avec lesquelles il faisait des affaires. Aussitôt, il s’est précipité sur moi en me posant la main pendant trois reprises différentes ; la dernière fois, il m’a jeté vers sa romaine qui se trouvait suspendue au corridor où nous trouvions, et contre laquelle il m’a fait faire une plaie à la partie frontale et sus-orbitaire du côté droit. Incontinent le sang a jailli, et si sa femme n’était pas accourue, il est probable qu’il aurait poussé ses actes de violence, beaucoup plus loin. Grâce à son intervention, j’ai pu quitter son domicile duquel plusieurs personnes m’ont vu sortir, ensanglanté ; le Sieur Saint-Gés Jean, chiffonnier, domicilié de cette commune, et d’autres encore dont je ne connais pas les noms ».
Le Sieur Fournet ayant bordé là sa plainte, ne la signé pour ne savoir, de ce que de ce requis par nous.
Nous avons fait immédiatement appeler devant nous le Sieur Bertrand Darricau, boulanger, domicilié dans cette commune, lequel déclare sur notre interpellation, les faits ci-après :
« J’ai eu déjà 21 du courant, discussion à Saint-Martin avec le nommé Fournet relativement au poids de 10 hectolitres de farine, et il fut convenu alors que ledit Fournet se rendrait chez moi avec sa romaine, pour la vérifier avec la mienne ; mais nous pouvant pas nous entendre, et après quelques explications, monsieur Fournet m’a dit qu’on l’avait informé que j’étais un tricheur et une canaille, que j’avais des discussions avec tout le monde. Il est vrai qu’alors dans un moment d’indignation, je l’ai invité à s’en aller. Ne voulant pas sortir, je l’ai poussé et il s’est accroché à mon cou et à mon bras et il a déchiré ma chemise. Alors j’ai été obligé de le repousser un peu plus fort et il est tombé sur l’une des romaines. Il s’est fait la plaie dont il est question dans sa plainte ».
Le Sieur Darricau a signé sur notre interpellation la déclaration ci-dessus.
Fait à la mairie de Campagne, jour, mois et an susdits.
Signé Fauthouz, adjoint.
Darricau.
Signatures du procès-verbal (AD40 Campagne-1803 – 1857-E DEPOT 61/1D1, page161). |
Qu’elle est cette romaine dont il est souvent question dans les procès-verbaux ?
Balance romaine. |
Notre boulanger n’en était pas à son coup d’essai : « il avait déjà mangé du pain du roi ».
En vérifiant les registres d’écrou, il apparaît qu’alors qu’il était boulanger à Mont-de-Marsan, le 7 octobre 1851, le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan l’avait déjà condamné à 15 jours de geôle. Il a été emprisonné le 22 octobre 1851, « coupable d’avoir porté des coups et fait des blessures ».
Registre d’écrou (AD40 2 Y 56-Août 1848 – mars 1853, page 128). |
Qui était Bertrand Darricau ?
Le patronyme Darricau est surtout porté dans les Landes. Il s’agit d’un nom de famille gascon issu d'un toponyme ayant le sens de ravin (arric) creux, profond (cau). Variantes : Darricaud, Darricaux.
Il était né à Habas (Landes), le 28 septembre 1823. Le registre d’écrou nous apprend qu’il mesurait 1,65 m, que ses cheveux étaient châtain-clair, que son teint était coloré et que ses yeux étaient gris.
D’un premier mariage avec Geneviève Idéart, il avait eu deux enfants, nés à Campagne : Timothée, né le 16/05/1854 qui décéda le 1/08/1873 à Saint-Germain-en-Laye (bourrelier et sans domicile fixe) et Sylvain, né le 16/08/1855, dont nous ne savons rien de plus.
D’un second mariage avec Geneviève Arrocain, il avait eu une fille : Lucie Darricau, née le 21/10/1859 à Mont-de-Marsan, qui fit sa vie en Algérie, où elle décéda jeune le 10/11/1898, à Maison-Carrée, après avoir eu trois enfants.
Certainement grillé, notre bouillant boulanger avait donc dû quitter Mont-de-Marsan pour Campagne afin de se faire oublier et puis refaire le chemin inverse toujours afin de se sortir du pétrin.
Il était certainement « Bon comme la romaine », locution verbale qui signifie « Avoir comme seule perspective une condamnation inéluctable, une situation extrêmement préjudiciable dont on ne pourra se sortir ».
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Sources
AD40
Wikipédia
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