La vie difficile de Jeanne (Marie) Gaüzère (1859 – 1932) : notre arrière-grand-mère.

Être deux fois mère célibataire au XIXe siècle, perdre deux de ses fils à la guerre, finir à l'hospice... Notre arrière-grand-mère et sa VDM !


Jeanne (Marie) Gaüzère (1859 - 1932) vers la fin de sa vie (source : Marcelle Cazade).   

Elle apparaît sous le prénom de Jeanne dans son acte de naissance à Campagne (à Jeanlaouillé), fille de Jean Gaüzère (1822-1898) et de Jeanne Candau (1838-1914). Elle apparaît sous le prénom de Marie dans l'acte de naissance de ses enfants naturels Jean (Alexis) Gaüzère et Jeanne (Marie dite Tiatia, à l’origine de la branche Latapy et Besque), ainsi que sur les livrets militaires de ces deux fils : Jean (Alexis) Gaüzère et Fernand Flocel tué au combat en 1918. Il s'agit donc de la même personne car il n'existe aucun acte de naissance d'une Marie Gaüzère, dans ces années-là dans les Landes. Son parrain est son oncle Jean Gaüzère (1819-1897), frère aîné de son père avec trois ans de différence. Les deux frères portent le même prénom, Jean, pour l'état-civil. Et comme la tradition voulait que soient honorés les grands-parents en donnant leur prénom à leurs petits-enfants, les Jean ne faisaient que des Jean et les Jeanne, des Jeannes…

 

Jusqu’à la fin de l’année 2018, nous n’avions pu remonter au-delà de la naissance de mon grand-père paternel (Jean « Alexis » Gaüzère), n’ayant pu identifier sa mère parce que nous recherchions une Marie et son fils Alexis, qui en fait se prénomme Jean pour l’état-civil et qui était né, non pas à Campagne (bien que sa mère en soit originaire), mais à Saint-Perdon, commune dans laquelle Jeanne était domestique et avait fait la connaissance de son amant, le meunier de Saint-Orens. C’est une mention d’apparence anodine qui m’a mis sur la bonne piste. Dans l’acte de naissance du grand-père Jean « Alexis », le maire avait eu l’idée géniale de mentionner le nom de la mère de Jeanne et surtout de la grand-mère de Jean « Alexis », qui était venu déclarer la naissance, à savoir Jeanne Candau habitant Campagne. C’est ainsi que l’écheveau a commencé à pouvoir être démêlé avec un bond de plus de deux siècles en quelques journées de recherche sur Internet.

Jeanne (dite Marie) a accouché au Petit Labourdasse, une propriété limitrophe de Campagne. Y était-elle placée comme domestique alors que ses parents étaient propriétaires de JeanLaouillé à Campagne ?

 

Acte de naissance de Jean (Alexis) Gaüzère, né le 30 mai 1879 à Saint-Perdon (Petit Labourdasse). Source Archives Départementales des Landes.

 

 

Le Petit Labourdasse (Saint-Perdon) où Jeanne (Marie) a accouché en 1879 (source : Google map)

 

 

Une enfance entourée de nombreux cousins.

 

4 cousins germains vivaient à proximité.

Jean Gaüzère (1843 – 1927) à JeanLaouillé et Dominique Gaü (1849 Jeanlaouillé – 1927 au Caloy à Saint-Perdon), plus âgés qu’elle.

Jeanne Clet (1858 au Petit-Pillet – après 1921) et Jean Clet (1864 à Campagne), du même âge qu’elle. Notons que le recensement de 1921 lui donne comme voisine, Jeanne Clet, revenue vivre au Bourg à Campagne après son veuvage de Jean Latour.

 

33 cousins issus de germains vivaient à proximité.

Des Gaüzère, dont Marie (Jeanne) Gaü (1846 à Jeanlaouillé), Jeanne Gaü (1849 à Jeanlaouillé), Marie Gaü (1853 à Jeanlaouillé), Jeanne Gaü (1854 à Jeanlaouillé), Vincent Gaü (1855 à Jeanlaouillé), Jeanne Gaü (1858 à Brouquère, donc très proche de Jeanlaouillé), Jean Gaü (1860 à Brouquère), Jean Gaü (1862 à Brouquère) et deaux autres jumelles (Jeanne et Marie) décédées peu après leur naissance en 1867 à Brouquère)

Mais aussi, 2 Dupouy à Campagne, Catherine Clavé à Saint-Perdon, 5 Catuhe à Campagne et Saint-Perdon, 4 Lacoste à Haut-Mauco,  Marguerite et Marie Dudon au Chinas (Campagne), 4 Daudigeos à Campagne, 4 Labeyrie à Campagne.

 

Une enfance entourée de cinq oncles et de tantes Gaüzère.

Anne (Marguerite) (1819 – 1897 à Jeanlaouillé), Jean (1819-1897 à Jeanlaouillé), Marie (1825 à Jeanlaouillé), Jeanne (1829 à Jeanlaouillé – 1867 à Matilon), Arnaud (1834-1870 à Jeanlaouillé).

 

Puis, une vie très difficile : deux fois mère célibataire.

Mère célibataire de deux enfants vraisemblablement du même père (le meunier de Saint-Orens, le dénommé Jean-Jules Castaing (1854-1925) du moulin du Braut : Jean (dit Alexis Gaüzère) né en 1879 et Jeanne (Maria dite Tiatia) Gaüzère (née 1883), future épouse Latapy. Jean-Jules Castaing a fini par se marier en 1882, ce qui veut dire que sa liaison avec Jeanne a duré plusieurs années, et peut-être même après son mariage.

Puis, en 1887, Jeanne finit par épouser à Campagne, Joseph Flocel de 16 ans son aîné (1842-1902), lui-même de père et mère inconnus, déposé devant l’hospice de Mont-de-Marsan et enregistré à l’État civil par un employé de l’hospice, puis perruquier et journalier de son métier à Campagne. Elle en elle devint veuve à l’âge de 43 ans, en 1902. Sur son acte de mariage, Jeanne était capable de signer. On y apprend qu’elle était ménagère, que son père était journalier, que sa mère était journalière, mais que son grand-père paternel était propriétaire.

Elle dut donc élever seule ses deux derniers enfants : Noélie Flocel (1898-1974) âgée seulement de 4 ans à la mort de son père et Fernand Flocel (1896-1918) âgé de 6 ans à la mort de son père, avec l’aide de ses deux aînés, Marie dite Tiatia (1883-1969) âgée de 19 ans et Jean dit Alexis(1879-1926) âgé de 23 ans. 

 

Histoire du prénom Flocel (du latin : flos, fleur). « Passant à Autun, en Bourgogne, vers 260, Valérien prononce un discours virulent contre le christianisme qui s'étend rapidement dans la région, surtout depuis l'exécution de Symphorien, un adolescent martyrisé à la fin du 2ème siècle et vénéré partout en Gaule comme un héros national. Mais l'empereur est interrompu par les cris d'un enfant de douze ans, Flocel, aussitôt saisi et amené aux pieds de Valérien. Empli de l'Esprit-Saint, le garçon se met à réciter, sous le nez du césar ahuri par une telle audace, toutes les prières de louange dont il se souvient. Il est aussitôt fouetté par les gardes malgré les protestations de la foule des chrétiens, sommé d'apostasier et, sur son refus, livré aux bourreaux. Saint-Flocel est l'un des plus jeunes Français inscrits au martyrologe ». (Source : https://www.prenoms.com/prenom-fille/flocel-11888).

 

Pourquoi une reconnaissance très tardive de ses enfants ?

Jeanne a officiellement reconnu ses deux enfants naturels Jean (Alexis) Gaüzère, le 18/12/1903 (soit quelques jours avant le mariage de Jean) à Saint-Perdon et Jeanne (Tiatia) Gaüzère, le 1/01/1904, à Campagne, soit après son veuvage. Sur ses actes, elle apparaît âgée de 46 ans, agricultrice, domiciliée à Campagne. Sur ces actes, elle savait signer son nom.

 

 

 

Mariage d’une de ses filles à Mont-de-Marsan le 16 avril 1912 : signatures des époux et des témoins. Marie (Jeanne pour l’état-civil) Flocel née Gaüzère est la mère de la mariée et notre arrière-grand-mère. 

 « La reconnaissance était l’établissement officiel de la filiation d’un enfant par sa mère et/ou son père. Dans le cas de la déclaration de naissance d’un enfant naturel de père non connu et de mère connue, la seule mention du nom de celle-ci dans l’acte de naissance ne suffisait pas à établir officiellement sa filiation : elle devait faire établir un acte authentique postérieur à la naissance (et dont il devait être fait mention en marge de l’acte de naissance). Peu de femmes étaient au courant de cette nécessité, et l’on découvre des reconnaissances tardives (par exemple au moment du mariage de l’enfant) alors que la mère n’a pas abandonné son enfant ».

 

Une vie très difficile : deux garçons morts pour la France

 

Puis elle perdit son fils Fernand Flocel (25 mai 1896 - 1 octobre 1918), tué au combat à Saint-Clément-à-Arnes, à l’âge de 22 ans.

 

Livret militaire de Fernand Flocel, mort pour la France en 1918 (Source : Archives Départementales des Landes).

 

Son fils Jean (Alexis), mon grand-père paternel revint de la guerre[1], blessé à la jambe droite et donc estropié (limitation de la flexion à 90 °) et gazé aux gaz de combat, ce dont il mourut en 1926 à l’âge de 46 ans, alors que sa mère était encore en vie, ne décédant qu’en 1932. Le recensement de 1926 la trouve au Bourg de Campagne, logeant contre le magasin de cycles de son fils Jean dit Alexis, dans la rue principale du village.



[1] Sur huit millions de combattants français de la Grande Guerre, quatre millions ont été blessés, dont la moitié au moins à deux reprises, et 700 000 ont été réformés pour invalidité. Autant dire que toutes les familles ou presque sont concernées.

 

Atelier Gaüzère à Campagne (en 1912 d’après les Archives Départementales des Landes).
 


Jean (Alexis) Gaüzère, notre grand-père paternel, pendant la Guerre de 1914-1918.

 

 

Livret militaire de Jean (Alexis) Gaüzère, mort pour la France en 1926 (Source : Archives Départementales des Landes).

 

 

Jean (Alexis) Gaüzère, notre grand-père paternel (date inconnue).

 

Le 6 septembre 1922, Louise Castaing, institutrice à Campagne et fille du meunier de Saint-Orens, Jean-Jules Castaing, son ancien amant et père naturel de Jean (Alexis), épousait à la mairie de Campagne, Ferdinand Rollin, brigadier de Gendarmerie natif de Saint-Perdon, qu’elle devait ensuite suivre en Algérie. La mairie et le domicile de Jeanne étant très proches, Jeanne a-t-elle résisté à la tentation d’aller entr’apercevoir furtivement Jean-Jules, témoin au mariage de sa fille, exactement 40 ans après leur liaison  ?

 

Une fin de vie à l'hospice de Mont-de-Marsan

À la fin de sa vie, il ne restait donc à Jeanne (Marie) que ses deux filles (Jeanne dite Marie dite Tiatia) et Noélie et que ses yeux pour pleurer. Ayant perdu ses deux fils, ses deux filles étant mariées à Mont-de-Marsan, elle se retrouva bien seule et fut placée à l’hospice de Mont-de-Marsan où elle devait déjà se trouver avant le recensement de 1931 à Campagne, sur lequel elle ne figurait plus. Elle y est décédée le 13 juin 1932. Une façon d’être rapprochée de ses filles qui devaient lui rendre visite plus facilement que si elle était restée à Campagne ?

 

 

 

 





 

 




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