Veuve depuis peu et mère de famille nombreuse, Marie Gaüzère, âgée de 42 ans, native de Campagne-de-Marsan et y résidant, a été condamnée par un jugement du tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan du 3 octobre 1871 (en vertu des articles 401 et 463 du code pénal), à six jours de prison qu’elle a effectués du 21 au 27 octobre 1871.
Le registre d’écrou nous apprend qu’elle mesurait 1,60 m, avec un gros nez, des cheveux et des yeux châtains, un visage ovale et un menton rond.
Elle était journalière (c’est-à-dire qu'au bas de l’échelle sociale, elle louait son labeur), mère de cinq enfants dont deux en bas-âge (7 ans et 1 an) et tout récemment veuve de Jean Catuhe (1824-1871), colon, décédé le 4 juin de la même année. Son père était Jean Gaüzère (1799-1857) et sa mère Marie Lucbernet (1802-1886), mal orthographiée en Dubernet sur le registre d’écrou.
Lors de son incarcération, elle portait un « manchon de tête jaune, un caz… rouge, un tablier noir, une paire de souliers.
L’auteur de ce blog est un descendant à la 4ème génération d'un cousin de Marie Gaüzère.
Le registre d’écrou d’octobre 1871 (AD40 2 Y 62-Septembre 1870 - juin 1872, page 89). |
L’ancienne prison de Mont-de-Marsan (photo : B-A Gaüzère, 2024). |
Maigre consolation pour elle, Marie n’était pas seule à ramer dans cette galère.
… car une autre jeune femme et trois hommes ont été condamnés pour le même motif à la même peine, membres de la même redoutable bande organisée de gueux, tous journaliers ou cultivateurs. Il s’agissait de sa cousine Jeanne Labeyrie (mêmes grands-parents), 29 ans, journalière née à Campagne et demeurant à Saint-Perdon, et dont la mère se nommait également Marie Gaüzère ; Jean Durou, cultivateur à Saint-Perdon, âgé de 39 ans ; Jean Lataste, né à Aurice, journalier âgé de 46 ans ; Jean Castets, cultivateur à Saint-Perdon, né au Leuy et âgé de 42 ans.
Le registre d’écrou ne permet pas de connaître le détail de l’infraction. S’agissait-il de ramassage de bois dans la propriété d’un puissant propriétaire ayant ses entrées au palais de justice ?
En effet, à la suite de la plantation massive de pins dans les Landes, la confiscation au profit des grands propriétaires des bois et des landes communales ne permettait plus aux plus pauvres de s’approvisionner en bois ou de faire paître leurs bêtes.
Le contexte socio-économique et historique
Pour l’historien, Robert Mandraux, « l’homme de 1870 est encore très proche de son ancêtre du XVIIe ou du XVIIIe surtout s’il est campagnard ». En 1870, « la mortalité reste importante à cause des guerres, du manque d’hygiène et des maladies : rougeole, scarlatine, typhoïde, diphtérie, grippe, coqueluche, oreillons, paludisme, variole (près de 200 000 décès en France en 1870 et 1871), tuberculose (environ 10 % des décès), choléra, maladies de carence et maladies vénériennes. En 1870, une famille française, compte en moyenne 2,7 enfants, mais à la fin du Second empire, on compte encore prêt de 48 000 enfants mort-né par an. Et un bébé sur trois n’atteint pas sa cinquième année. Il y a encore 54 % de ruraux en 1870. La production de blé et de pommes de terre augmente de 50 % par rapport à 1848, mais la pauvreté persiste ».
L’année 1871 « marque la défaite, la capitulation du pouvoir et l’armistice de Versailles, la proclamation de l’empire allemand à Versailles, l’arrivée des prussiens à Paris et les émeutes de la Commune, ainsi que la perte de l’Alsace et de la Lorraine ». Adolphe Thiers est élu Président, c’est l’avènement de la IIIe République.
En 2025, il est permis de s’interroger sur la lourdeur de cette peine.
Il est fort probable que ces « manants » qui volaient pour se chauffer ou pour cuisiner, n’aient pas été en mesure de payer une amende ou alors qu’ils ont choisi délibérément la prison pour échapper à une amende qu’ils ne pouvaient, de toute façon, payer.
Afin de clore ce chapitre sur nos homonymes originaires du même village - dont nous ne savons s’ils appartiennent à notre famille - qui ont eu affaire à la justice en cette deuxième partie du XIXe siècle :
- Le 10 novembre 1870, Jean Gaüzère, natif de Campagne et demeurant à Saint-Perdon, domestique de profession, âgé de 46 ans, était condamné à un mois de prison pour un vol d’autel oratoire (la classe !).
- Le 16 août 1869, Jean Gaüzère, également natif de Campagne et âgé de 28 ans, résinier de profession, était condamné à 40 jours de prison pour coups et blessures (c'est moins la classe !).
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Sources
AD40
Thierry Sabot, Contexte France, Éditions Thisa, ISBN : 978-2-918315-22-3
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