François Guichené (1808-1877), curé-ingénieur landais, inventeur du symphonista.


Au cours de la réunion du Conseil municipal de Campagne-de-Marsan du 11 mai en 1856, « Monsieur le maire propose au conseil de voter une somme de 500 Fr. pour l’achat d’un symphonista qui doit être placé à l’église ». « Le Conseil considérant que l’acquisition d’un symphonista, désirée par toute la population, est une bonne chose pour l’agrément des fidèles, et que, vu le désir exprimé par Monsieur le Curé pour l’achat de ce meuble, le conseil à l’unanimité demande à ce que Monsieur le maire soit autorisé à faire cette acquisition ». La somme de 500 Fr. sera prélevée sur la vente des landes.
Qu’est-ce que cet instrument ? Et si je vous en parle, c’est parce qu’il fut inventé par un abbé landais au XIXe siècle, curé d’un quartier de Mont-de-Marsan, à une dizaine de kilomètres de Campagne-de-Marsan.

 

Origine du patronyme Guichené

 

D’après Généanet, « Guichené est un patronyme porté dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques. Il s’agit d’un dérivé de Guiche et Guichemerre qui désigne celui qui est originaire de Guichemerre, nom de deux hameaux à Pomarez et à Saint-Geours-d'Auribat, dans les Landes. La signification du toponyme est obscure : à noter qu'une commune des Pyrénées-Atlantiques s'appelle Guiche, et que ce nom a pu désigner la chaux (à rattacher au basque gisu). Selon d'autres sources, Guiche serait un nom de personne. Formes voisines : Guichenay, Guichené, Guicheneuy, Guicheney, Guichenez, Guichenné ».

 

La vie et l’œuvre de l’Abbé François Guichené

 

L’Abbé François Guichené (Source Bibliothèque nationale de France, département Musique, Est.Guichené00, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84206510/f1.item).

 

Les notes qui suivent sont extraites du livre Notice sur la vie et les travaux de l'abbé Guichené, curé de Saint-Médard (Landes) de Theodore Nisard, ex-missionnaire scientifique du gouvernement français, publié à Paris en 1863, du vivant de Francois Guichené.

 

« L’abbé Francois Guichené, fils de Pierre Guichené, horloger mécanicien, et d'Élisabeth-Antoinette Fonestier, naquit le 15 octobre 1808 à Grenade-sur-Adour, petite ville des Landes ». Son père (1775-1857) « Avait quitté la charrue pour s’occuper d’horlogerie, et, sans autre maître que son goût et ses dispositions naturelles, il était parvenu à fabriquer les pièces d’horlogerie les plus délicates. C’est sans doute dans les ateliers de son père que le jeune François puisa cette passion pour la mécanique qui, comme on le verra bientôt, devait produire plus tard de féconds résultats. Monsieur Bats, le curé de Grenade fut frappé des dispositions précoces du jeune homme, et lui donna comme professeur de musique Monsieur l'Abbé Bonnecarrère, son vicaire, ancien maître de plain-chant au grand séminaire de Bayonne. À 11 ans, François chantait à vue toute espèce de mélodies liturgiques avec la justesse d’intonation, le sentiment esthétique et l’assurance de l’artiste consommé ». Monsieur l’Abbé Bats l’envoya ensuite au petit séminaire d’Aire, moitié à ses frais, moitié aux frais de la famille Guichené. Après avoir terminé ses humanités, il fut admis au grand séminaire de Dax en novembre 1929. En mai 1834, il fut ordonné prêtre. Après deux ans et demi de séjour à la cathédrale de Dax comme vicaire, il fut nommé curé de Bostens et de Pouydesseaux. « Cependant, le service de trois églises finit bientôt par altérer la santé, peu robuste d’ailleurs, du jeune prêtre. Au bout de cinq ans environ, celui-ci contracta une maladie de langueur qu’il le conduisit aux portes de la tombe ». Averti, l’évêque d’Aire et de Dax, en janvier 1843, le nomme curé de Saint-Médard-de-Beausses, près de Mont-de-Marsan.

 

« Après de longues recherches et malgré son éloignement de tout grand centre d’activité intellectuelle, l’abbé était parvenu à créer un mécanisme qui s’adapte à toute espèce d’harmonium ou orgue expressif, et dont le but est de permettre aux personnes les plus étrangères à la science harmonique d’accompagner tous les chants d’église d’une manière régulière et puissante, en ne jouant que la seule mélodie sur un petit clavier de 26 touches inhérent au mécanisme. Lors donc que l’on ne se sert du clavier ordinaire, chaque touche ne fait entendre que les sons à l’octave ou à la double octave que de 16, de huit ou de 4 pieds qui sont tirés, comme cela se fait dans tous les instruments de ce genre ; mais en mettant en œuvre le clavier spécial du mécanisme Guichené, chacune des deux, c’est 26 touches fait raisonner dix ou douze notes échelonnées harmonieusement sur toute l’étendue de l’orgue. C’est donc un orchestre véritable qu’un doigt met en mouvement, et que dirige la seule inspection d’un petit tableau d’une simplicité naïve. L’abbé donna à juste titre le nom de symphonista à son invention et la fit breveter le 30 mars 1855 ». 

 

Le symphonista (source : https://harmonium.fandom.com/fr/wiki/Guichen%C3%A9_Fran%C3%A7ois).

  

Le symphonista attira l’attention du prince Napoléon et du jury international à l’Exposition universelle de 1855, où il obtint la médaille d’argent de première classe. Perfectionné par l’abbé, avec l’aide de MM. Lentz et Houdart, cet instrument apparut en 1859 à l’exposition de Bordeaux où il remporta la médaille d’or.

« Le 3 mai 1860, l’abbé Guichenné fut obligé de s’adresser à la maison la plus considérable de Paris, et l’on peut ajouter de l’Europe, pour être en mesure de satisfaire ou très nombreuses commandes qui lui arrivaient à la fois de toutes parts. Il confia donc la fabrication de cesse de son symphonista à MM. Alexandre père et fils ».


L’abbé fit breveter, le 24 octobre 1855, son nouveau système de boîte de roues, qui s’adapte à toutes sortes d’axe en augmentant à l’infini de puissance et de rotation par la suppression des frottements. La résistance, avec le système-Guichené, est diminuée dans des proportions de 1 à 10. Ainsi, le poids de 1 kg qui mettait en mouvement le système de poids de 200 kg pendu à un cordon embrassant la poulie dans l’axe était monté sur les boîtes-Guichené, tandis qu’il fallait un poids de 10, et même de 14 kg pour obtenir le même résultat avec l’axe monté sur les coussinets ordinaires.


Le 30 juillet 1858, l’abbé fit breveter un système de sonnerie d’horloge à détente électrique. Il fut également l’auteur de « deux opuscules qui le placent au premier rang des défenseurs et des propagateurs de la musique sacrée par excellence ». Le premier de ses opuscules est intitulé « Catéchisme du plain-chant à usage des personnes qui veulent connaître les nouveaux livres de chant romain. Le second a pour titre «  Clé des accords, ou moyens simples, sûrs et faciles d’harmoniser le chant sacré ».

 

Physicien, mécanicien et musicien, ainsi était l’Abbé François Guichené, qui fut fait chevalier de la Légion d'honneur le 13 août 1867 et s’éteignit le 15 septembre 1877 dans sa paroisse de Saint-Médard à Mont-de-Marsan, à l'âge de 68 ans.

 

***

 

Sources

 

- AD40 Campagne-1848 - 1879-E DEPOT 61/1D3, page 70.

 
- Notice sur la vie et les travaux de l'abbe Guichené, curé de Saint-Médard (Landes). Theodore Nisard, ex-missionnaire scientifique du gouvernement français. Paris, 1863 - 16 pages.
 

 

 

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