Les paysans des Landes crient au loup en 1768.

Je vous parle d’un temps où la chasse était un privilège de la noblesse. Le droit de la pratiquer était directement lié au droit de propriété de terres. Le braconnage était sévèrement puni et les non-nobles avaient la formelle interdiction de chasser.

« La commune était obligée de faire une pétition à l’intendant pour obtenir l’autorisation de détruire les animaux malfaisants. Quelquefois, elle s’adressait directement au contrôleur général des finances qui, de son côté, demandait des renseignements à l’intendant ».

Christine Orobitg souligne que « La spécificité de la chasse sous l’Ancien Régime est qu’elle n’est pas universelle, mais réservée à une élite : la noblesse et sa quintessence, incarnée par la personne royale. La chasse constitue l’activité aristocratique par excellence, et les traités sur la chasse autant que les traités sur la morale et l’éducation insistent sur le fait que le noble doit chasser. La chasse apparaît ainsi comme une activité formatrice, qui fabrique une forme de supériorité et d’excellence, consubstantielle à l’identité noble ».

 

Un privilège de la noblesse qui affame les paysans.

 

Ce privilège interdisait de se défendre et de défendre les troupeaux et les récoltes contre les prédateurs et sanctionnait très sévèrement le braconnage et le port des armes, même en période de disette et de famine.

 

Voici une supplique des paysans landais de 1768, extraite d’une communication faite par Arthur de Brézets à la Société de Borda (Dax, Landes) en 1884.

 

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À Paris, le 12 juillet 1768

 

Monsieur,

 

J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint un mémoire, dont Monsieur le contrôleur général m’a fait le renvoi, par lequel les habitants, propriétaire des biens tenant dans les païs des Landes, province de Guyenne, exposaient les principaux inconvénients qui s’opposent au progrès de l’agriculture dans leur canton. Ils ne peuvent espérer aucune récolte sans répandre une grande quantité de fumier sur leur fond, qui sont d’une nature fort ingrate. Ils sont obligés d’avoir des bestiaux d’engrais, pour produire ce fumier, et de veiller à leur conservation. Les défenses expresses de porter aucune arme à feu, et de tirer un seul coup de fusil les exposent à de continuelles pertes dans leurs bestiaux, vu la grande quantité de loups et de renards qu’il y a dans leur païs. Ils demandent qu’il soit permis à tout pâtre conduisant un troupeau de porter un fusil pour se garantir ainsi que son troupeau de ces animaux, et qu’en outre il soit ordonné de chasse dans un certain tems de l’année pour parvenir à leur destruction.

 

Je vous prie de me marquer ce que vous pensez de ses représentations, afin de me mettre en état d’en conférer avec Monsieur le contrôleur général.

 

Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

 

Signé : Dormesson.

 

 

PixaBay et B-A. G.
 

« Les loups ou renards dont le pays fourmille désolent les bestiaux entre autres, les brebis et chèvres, notamment dans les Landes situé ez diocèse de Bordeaux, Bazas et Dax dont les parties sont couvertes de pignadas, ajoncs et grosses bruyères où ces animaux font leur retraite sans que personne ose leur donner la chasse veu les étroites défenses qu’on a faite dans la province que les seigneurs sont exécutés à la lettre ; il y a en effet un nombre d’exemples que le loup égorge chaque jour, les brebis à droite et à gauche si bien qu’il n’y a guère de semaine dans les endroits où l’on ne souffre pas le port d’armes que chaque pasteur n’en perde quelques-unes.

 

Ce n’est pas tout. Les pauvres cultivateurs après s’être forcés à mettre leurs terres en production, voyent également avec mal au cœur que le revenu de la lande, couper ou chercher de la bruière ou du bois, ils iront dans les champs ou jardins genévriers, ils y trouvent une quantité prodigieuse de courbeaux, pies, ou autres animaux volatile qui déracinent les seigle, panis et chanvres ; il en est de même lapin de lapin et du blaireau et renard qui font dans certains cantons de ce district un ravage considérable sans que le propriétaire ou fermier ose tirer un seul coup de fusil sur ces destructeurs à cause qu’on a un nombre d’exemples, des désarmement et prison qu’on a fait essuyer à des personnes qui pour sauver leurs fruits avoient tiré quelques coups de fusil sur ses animaux qui n’épargnent pas non plus la petite quantité de vigne qui il y a en ce pays ».

 

***

 

La supplique mentionne également le danger que font courir les chiens enragés qui assaillent les paysans et demande le droit de chasser « les oiseaux de passage : bécasses, palommes ramiers grues ou canards sauvages », car « il vaut mieux que les Français en profitent que toute autre dans un royaume où ces oiseaux vont infailliblement ».

 

*** 

 

Sources

 



 

 


 

 

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