L'ancienne navigation sur la Midouze et le port de Mont-de-Marsan (Landes).

Méfions-nous de l’eau qui dort ! Ayant grandi sur les bords de cette paisible petite rivière landaise qui serpente dans la plaine entre Mont-de-Marsan et l'Adour, et que ne troublent que quelques vols d’oiseaux et quelques canoës et autres kayaks, je n’imaginais pas que circulait sur ce « chemin d'eau » voici à peine deux siècles, une batellerie singulièrement active depuis le Moyen-Âge. C’est par la Midouze - large à peine une vingtaine de mètres - que s'effectuaient la plupart des transactions commerciales entre le Marsan voisin de l'Armagnac, d'une part, la région du Bas-Adour et surtout le port de Bayonne sur l’océan Atlantique, de l'autre. Deux difficiles métiers aujourd’hui disparus : marinier et haleur de gabarre sur les berges.

 

 

Carte des cours d’eau dans les Landes (carte de Wikipédia Roland45, 2018).

  

Midou + Douze = Midouze

 

Le cours d'eau appelé aujourd'hui Midouze est formé par la réunion, à Mont-de-Marsan, de la Douze et du Midou, nés tous deux en Armagnac et s'écoulant dans des vallées jumelles.

 

La confluence du Midou et de la Douze à Mont-de-Marsan en 1830 (AD40 Mont-de-Marsan-1970-1970 - 1979-1 Fi 911).

 

« Le pays d'Armagnac a toujours été un gros producteur de vins, d'eaux-de-vie et de grains. Ces denrées, surabondamment récoltées sur les coteaux de l'actuel département du Gers, demandaient un débouché pour leur exportation. Ce débouché, c'était le port de Bayonne, très actif et important depuis une époque reculée ». Les marchandises, venues d'Armagnac par la route sur des chariots attelés de bœufs, étaient chargées sur bateaux au confluent de la Douze et du Midou, puis acheminées à peu de frais vers Bayonne, d'abord par la Midouze, puis par l'Adour.

 

Quelques entrepôts s'installent le long des rives, au point que le vicomte de Marsan doit se préoccuper de défendre du point de vue militaire l'agglomération nouvelle, de la protéger contre les incursions des bandes de pillards avides des richesses qui s'entassaient dans cet embryon de port fluvial. Il décida donc de fonder au confluent même une « ville neuve », dont les habitants jouiront des libertés, franchises et exemptions qui caractérisent ces sortes d'établissements.

 

D’emblée une circulation à double sens. 

 

Les bateaux repartaient de Bayonne chargés de sel. La pente relativement faible et le courant peu rapide de la rivière permettaient « aisément » la remontée de la Midouze, sauf en période de crue.

L’activité du port de Mont-de-Marsan (entrepôts des grains, de vins et des eaux-de-vie de l'Armagnac) déclina sensiblement dans la seconde moitié du XVIe siècle, au cours des guerres de religion. Les protestants s'acharnèrent sur Mont-de-Marsan et sa région.

 

Comment se déroulait cette navigation descendante et remontante entre Mont-de-Marsan et le confluent de l'Adour situé une quarantaine de kilomètres en aval ?

 

Le port de Mont-de-Marsan se situait « en pleine ville, à peu près à l'emplacement du lavoir actuel, une partie du quai sur la rivière s'inclinait jadis pour former une grande cale servant au chargement et au déchargement des bateaux. La cale avait sans doute été construite au Moyen-Âge ; en tout cas, elle était déjà fort ancienne à la fin du XVIIIe siècle, et, de plus, en fort mauvais état ». 

 

 La Midouze vers Mont-de-Marsan et son chemin de halage à droite (AD40 Mont-de-Marsan-1901-1910-1 Fi 3521).

 

À « la descente comme à la remontée, les embarcations étaient remorquées par tirage à la cordelle, comme on disait alors, c'est-à-dire par câble système encore en usage sur nos canaux, mais que tend à remplacer aujourd'hui la traction électrique. Sur le chemin de halage de la rive, un couple de bœufs parfois aussi des équipes de mariniers halant à bras s'attelaient au câble fixé à l'avant de la gabare ».

 

Bœufs et bouviers traversaient la rivière à la nage, ce qui "occasionne parfois la perte du bouvier et des bœufs" !

 

« La principale difficulté venait de ce fait que le chemin de halage ne courait pas d'une façon continue sur la même rive ; parfois l’état du terrain interdisait son établissement sur l'une des rives et imposait sur l'autre. D'où la nécessité pour les attelages tirant à la cordelle de traverser la rivière, nécessité renouvelée chaque fois que le chemin, sans changer de rive, coupait un ruisseau affluent venant se jeter latéralement dans la Midouze. En pareil cas, lit-on dans un rapport de l’inspecteur de la navigation, les bœufs traversaient la rivière ou l'affluent « à la nage, le bouvier étant sur leur tête, ce qui occasionne parfois la perte du bouvier et des bœufs et rend la navigation presque impossible en temps de grandes eaux. »

 

« Le XIXe siècle voit se continuer le trafic sur la Midouze jusque vers 1850, jusqu'au jour où les chemins de fer font leur apparition dans le pays. Malgré la grosse économie que permettait de réaliser le transport par eau, le rail, quoique posé avec parcimonie à travers les Landes, va tuer la navigation. Le second Empire sera témoin de projets, mais seulement de projets, de canalisation dans les Landes; et la Midouze cessa définitivement d'être naviguée vers 1840-1850 ». 

 

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Sources

 

  • L'ancienne navigation de la Midouze et le port de Mont-de-Marsan. Bulletin de la Société de Borda, 1934 (p.139-146). Michel Le Grand, Archiviste des Landes. Gallica (BnF)
  • AD40, C37
  • Cartes postales anciennes (AD40)


 




 

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