Calamités naturelles dans les Landes aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Pour expliquer les forts taux de décès constatés périodiquement chez nos ancêtres, il convient de les rapprocher des calamités naturelles qui ont frappé leurs régions. Leur alimentation dépendait exclusivement des récoltes, lesquelles dépendaient du bon vouloir du climat. Nous ne traitons pas ici des épidémies humaines dont les conséquences ont été amplifiées par l’état nutritionnel de nos ancêtres. Elles étaient d’autant plus meurtrières que les populations étaient affaiblies par les disettes. Par contre, nous abordons les épizooties en raison de leurs répercussions sur le monde agricole.

Au XVIIIe siècle, les curés ont mentionné des évènements qui les ont marqués dans les registres des baptêmes, unions et sépultures. Ces évènements nous mettent presque dans la peau des Landais des siècles précédents : ils sont regroupés dans une rubrique de Geneanet.

 

Le XVIIIe siècle

 

  • 1706 - Juin - Grêle violente dans le sud-ouest de la France
  • 1709 – Marmande (Lot-et-Garonne). « Nota que l annee mil sept cent neuf il fit un si grand froit que de memoire d hommes on n avoit pas veu un tel, il commanssa le septeme jeanvier lundy, mardy la n? tomban ? le mecredy il commanssa a neger pendand huit jours peu ou prou et en tomba une fort grande quantitié, mais le froit feut si fort que les oysaos et pigeonaux tombere(nt) en lair de froit, on ? a predre tous les vins, dans les caves meme se geloit le pain les gens meme mouroit de froid, plusieurs bestiaux a corne moururent aussy, la guarone se print on y possoit depuis agen jusqu a bourdeaux elle estoit prise meme devant laditt(e) ville et continua pendant quinze jours de faire un terrible froid, les vignes se geleroit presque toutes il neut que les petites pieds qui se trouverent couverts de nege qui se ? on croyer aussy tous les arbres de toute espesse perdeux, la misere feut fort grande cette annee le segle valeut jusque à onze livres le boissau le fromant quinze le ? les feuves douze livres les bleds se gelerent en plusieurs endroits surtout les froments ». Déposant : Claude Franckart. Source : AD47 - BMS Marmande - 1681.1774 GG 18 78/219

Note : L'hiver particulièrement rigoureux de l'année 1709 fit subir à la France une crise démographique sans pareille (froid polaire, famine) avec une chute de la population estimée à 800 000 habitants en un an.

  • 1709 - Hiver rude. « Les céréales manquèrent, en effet, dans la plus grande partie de la France, et il n'y eut guère qu'en Normandie, dans le Perche et sur les côtes de Bretagne qu'on pût juste récolter la quantité de grain nécessaire pour assurer les semences. De nombreux arbres furent gelés jusqu'à l'aubier, et la vigne disparut de plusieurs régions de la France. L'hiver de 1709 fit ressentir ses effets sur une grande partie de l'Europe. L'Ebre, la Garonne, le Rhône et la Meuse gelés ». « Dans la plupart des villes et villages, on y meurt à tas, on les enterre trois à trois, quatre à quatre, et on les trouve morts ou mourants dans les jardins et sur les chemins. (...) on voit des gens couchés par terre qui expirent ainsi sur le pavé, n’ayant pas même de la paille pour mettre sous leur tête, ni un morceau de pain. » Témoignage d’un prêtre de Paris, en 1709, cité par Thierry Sabot (Contexte France, 2023).

  • 1710 - Hiver rude avec un grand nombre de décès, par famine, mais aussi par épidémies (Fièvre thyphoïde ?).

  • 1712 - Juin : inondations dans le sud-ouest de la France. Juillet et août : grêles violentes dans le sud-ouest de la France.
  •  1714 - Épizootie de peste bovine dans tout le pays, ainsi qu’en 1715, 1743-1746, 1769-1776 et 1795-1802. Or, « Les bovins représentent un pilier majeur de l’économie rurale. Premiers fournisseurs de fumier, seul engrais connu, ils sont les agents essentiels de la traction lourde et des labours » (François Vallat).

  • 1723-1724 - Étés caniculaires. Mauvaises récoltes, insécurité alimentaire dans la moitié sud du royaume.

  • 1725 - Été pourri, mauvaises récoltes, persistance de la famine.

  • 1738, 1739, 1740 et 1741 - Graves disettes à cause de mauvaises récoltes et des pluies torrentielles. Nombreux soulèvements populaires. La crise frumentaire[1] des années 1738-1742 s’est accompagnée d’une épidémie de grippe qui cause plus de 2,5 millions de victimes
  • 1739 - Hiver glacial. "Le nom d'année du grand hiver est devenu propre à 1709, écrivait Réaumur dans les Mémoires de l'Académie des Sciences ; celui de l'année du long hiver est dû à aussi bon titre à 1740." En France, la saison froide dura du mois d'octobre 1739 jusqu'à mars 1740. Famine dans les régions atlantiques.

  • 1742 - Linxe (Landes). « Il y a eu cette année 1742 une récolte assez bonne en seigle, froment, millet et panis, et grande abondance de vin soit dans le Sable dans la Chalosse et ailleurs, mais qui ne s'est pas trouvé fort bon y ayant gelé avant qu'il ne fût mûr, le prix du vin de Sable à 20 et 25 cens(?) celuy de Chalosse 14-18 et 20 francs, il y a eu grande mortalité d'abeilles, car on a failli tout perdre ». Source : E dépôt 155 / GG 4 Linxe 1740 1750 p. 21/83.
  • 1747-1748 - Maigres récoltes, disette particulièrement dans les Landes.  Source : Bernard Traimond - Le voyage dans les Landes de Gascogne ou la traversée du Sahara français. Études rurales Année 1986, pp. 221-234.
  • 1774 - Campagne (Landes) et toute la région : Épidémie parmi le bétail de labour, dans une partie du Sud-Ouest de La France en 1774. Il s’agissait probablement de la peste bovine. Jean-François Dutertre, curé des paroisses de Campagne, Saint-Perdon et Saint-Orens : « Cette année 1774, il a régné dans tous les pays de labour, Béarn, Basque, Chalosse, Armagnac et Gavaudan, une maladie épizootique sur les bœufs qui a tout ravagé et ruiné tous les lieux-dits pays. L’épizootie fut arrivée jusque dans cette paroisse, mais heureusement nous avons arrêté ou pour mieux dire la maladie a fini quasi l’an naissant. Cependant, il est mort à Nerbis, trois vaches et deux bœufs, à Domingue deux bœufs, à Layat treize vaches, à Tauziat trois bœufs, à Jeanlaouillé quatre bœufs, à Mouret deux bœufs, à Larrouquet trois bœufs, à Grenade deux bœufs. Et dans le quartier de Siougos, il est mort quatre paires. Le mal n’a pas été bien considérable dans cette paroisse, respectivement aux lieux-dits pays et aux paroisses situées au midi de celle-ci. L’épizootie a partout emporté de cent paires de bœufs ou vaches dans quatre-vingt-quinze paroisses ». Source : AD Landes E dépôt 280 / 1505-106, pages 555/620
  • 30/04/1775 - Lahosse (Landes). « La perte presque generale de toutes les bêtes a corne ; tant beuf que vaches, de toutes les paroices ; qui coumnasa du mois de mars de l année derniere 1774 : dans toutes les paroices du basque ; Bear, Lisiere de montaignes ; generalité d'Auch ; haute et basse chalose ; qui nont peu, malgré les precautions de mms. les intandants ; et autres envois du roy. Entandus sur les maladies : pestiferantieres, et tous leurs remedes ; eprouvés de toute espece ; En guerir une sule tete ; ni conserver que trois, ou quatre tetes dans chaque paroisse ; et quon encevelisoit dans la minute que la bette etoit morte ; on assoumoint des la maladie conuee ; dans une fosse ecartée du comerce des chemains. de huit et dix pieds de profondeur comme les temoins certifient du tout cÿ dessus ». Déposant : Claude Franckart. Source : AD40 - BMS Lahosse - 1775.1792 141/GG 9 4/88

Note - Citons François Vallat (A. N., F12 151-152, correspondance du Contrôleur général Turgot) : « Lors de la troisième épizootie, en 1769-1776, l’État se donna pour la première fois les moyens d’agir, sans parvenir d’ailleurs à des résultats concluants. La maladie, d’abord circonscrite dans l’extrême nord du royaume, fut accidentellement importée par bateau à Bayonne en mai 1774, d’où elle se propagea à tout le Sud-Ouest. Bordeaux fut atteinte en septembre, Toulouse en octobre. La région n’entretenant de commerce de bovins sur pied qu’avec l’Espagne, la péninsule ibérique fut entièrement ravagée tandis qu’était épargné le reste de la France. Une fois de plus, les flux commerciaux délimitèrent l’infection » .

« Les généralités de Guyenne et Gascogne, de Béarn et de Languedoc connurent alors une crise extrême, car on n’y utilisait pour les travaux agricoles et les transports marchands que des attelages de bœufs. Turgot, appelé au Contrôle général par le nouveau roi Louis XVI, ne prit conscience de la gravité des évènements qu’en novembre 1774 ».

 

  • 1778 - Disette. Jusqu’en 1789, presque toutes les récoltes seront insuffisantes pour nourrir la population, sauf en 1783 où elles sont excellentes. L’insécurité alimentaire s’installe insidieusement dans le royaume.Source : Bernard Traimond - Le voyage dans les Landes de Gascogne ou la traversée du Sahara français. Études rurales Année 1986, pp. 221-234.
  • 1780 - Léon (Landes). " Le froid fut l'année dernière extremement retardé; il n'avait pas encore gelé à la noel. Le mois de janvier de la présente année fut assés froid ; il tomba beaucoup de neige et assés longtemps. Le mois de février fut de meme. Le mois de mars fut pluvieux, et assés doux. La semaine sainte fut tres belle et les fetes de paques aussi. Le mois davril au contraire extremement incommode presque toujours pluvieux et froid ; le 9 le temps s'eclaircit et fit une forte gelée ; et l'eau était glacée de l'epaisseur d'une ligne. Le lendemain la gelée fut plus forte. Cependant rien ne fut endommagé ; et il y a eu une assés belle recolte magré encore les chaleurs excessives qu'il a fait pendant toute l'été. tant il est vrai que le temps obeit au createur ; que rien ne perit de ce que le Seigneur conserve, et après un miracle si visible de la misericorde de dieu, nous devons avec le prophete célébrer les biens faits du seigneur ; et dire avec lui ". Déposant : Claude Franckart. Source : AD 40 - BMS Léon 1780.
  • Les écrits de l’époque « montrent que l’été 1783 fut particulièrement anormal. Un peu partout, les témoins de l’époque citent, à partir de mi-juin, la présence d’un épais brouillard sec à l’odeur « d’œuf pourri » ou de soufre et évoquent une visibilité extrêmement limitée qui persiste parfois jusqu’au mois de septembre. Conséquence de ce brouillard, la température de surface est en moyenne de 1 à 3° C supérieure à la moyenne de 1970-2000. Par ailleurs, l’étude met en lumière l’itinéraire du nuage chargé en dioxyde de soufre en acide sulfurique à travers l’Europe en recourant à la méthode des analogues. Elle révèle enfin le lien entre la concentration de S02 et de SO4 dans l’air et le pic de mortalité observé dans les registres paroissiaux entre août et septembre 1783 puis janvier-février 1784 ».

  • 1785 - Disparition de la moitié du cheptel ovin, par la sécheresse et la peste ovine.

  • 1786 - Léon (Landes). Hiver très rigoureux. « L'hiver de la présente année 1786 a été aussi long que celui de l'année dernière et il a été plus froid. Car la nuit du premier au second de l'an et six heures avant le jour, le temps fut si froid qu'il glaça le Lorier jusques aux racines exclusivement., le bout des branches des Legiers, le pampre de la Vigne et La Souche, la plus grande partie tira vie au pied. De laveu de tout le monde si ce froid eut Duré 24 heures seulement aucun arbre ni plante ni aurait resisté. Dans le Sable les vignes neurent pas autant de mal parce quelles sont Basses et la neige en avait conservé le pied. elles neurent pas non plus de mal sur les grandes Elevations en chalosse mais partout ailleurs ». Déposant : Claude Franckart, Source : AD 40 - BMS Léon 1786
  •  1788 - Hiver rude.

  • 1789 - Léon (Landes). « Longueurs de ces deux saisons avaient été annoncées par des signes qui paraissaient au ciel, c'étaient des rougeurs en forme de lances qu'on observait pendant l'automne et l'hiver, et qui disparaissaient après un certain temps. Ces signes s'apercevaient au nord et c'est de ce côté que nous est venu le froid excessif et la pluie. Lon entendaient un peu avant dans l'étang et la palue, des mugissements que le peuple nommait le Boussi. Les anciens avaient remarqué que c'était un présage de mauvais temps qui avait toujours été suivi par une grande dizete de grain, qui occasionnait chaque fois une espèce de famine. Je pense que ce Boussi sont des vapeurs qui en sortant causent le mugissement, et le dérangement des saisons. Il y eut dans plusieurs villes du Royaume des révoltes sous prétexte de cherté. Cependant, le grain était à bon marché dans la plupart de ces grandes villes, le pain était à Bordeaux à 4e la livre et 10 livres le moins fin, à Marseille la viande était à 7e la livre et le pain à 3e, à Paris le pain était au même prix qu'à Bordeaux ». « Il est aussi à observer que les anciens disaient avoir oui dire à leurs auteurs que les mugissements du Boussi annonçaient le prix du grain, s'il en faisait 3 de suite, le seigle devait se vendre 3e la mesure, l'année passée il en faisait jusqu'à 6, effectivement le prix du seigle a été pendant deux mois à 6e et 6e10 la mesure ». Déposant : Claude Franckart . Source : AD 40 - BMS Léon 1789.
  • 1790 - Léon (Landes). « Cette année 1790 n'est pas heureuse. Presque pas de seigle, presque pas de vin même en chalosse, point de gland, peu de naissances, beaucoup de fausses-couches et beaucoup de morts, mais non pas proportionément aux maladies (il) ni a pas eu de maison, ici ni ailleurs, où il ni ait au moins un malade, et 2, trois et quatre dans beaucoup ? ». Déposant : Claude Franckart. Source : AD 40 - BMS Léon 1790

Note : L'Europe entière subit les rigueurs de cet hiver, principalement de la fin de novembre 1788 à la mi-janvier 1789. « Le Rhône fut pris à Lyon, la Garonne à Toulouse, de même que le Rhin, la Tamise et le lac Léman. Au moment du dégel, les blés apparurent très verts et très propres, car la neige qui avait été très abondante les avait protégés et les mauvaises herbes s'étaient trouvées en grande partie détruites ». Graves disettes dans la plupart des régions après un hiver très rigoureux.

  • 1794 et 1795 - Hivers rudes. « Deux périodes de gelée intense : la première de la mi-décembre à la fin de janvier et la seconde de la mi-février à la fin de mars ».

 

Le XIXe siècle

 

  • 1802 - Mauvaises récoltes.
  • 1809 - Fièvre aphteuse chez les bovins dans tout le pays.
  • 1811 - Mauvaises récoltes.

  • 1813 - Invasion de criquets dans le sud de la France, destruction des cultures.
  • 1822 - Été caniculaire. Hiver glacial.
  • Janvier 1843 - Terribles inondations : « De mémoire d’homme, on le vit dans les Landes une crue si soudaine si extraordinaire et si fatale ». « En général, tous les moulins placés sur les ruisseaux et rivières ont été presque toutes tous détruits ».
  • 1845-1846 - Crise agricole, maladie de la pomme de terre, mauvaises récoltes de céréales. Sécheresse, disette.

  • 1855 - 3,4 et 5 juin. À la suite de terribles orages l’Adour déborde, emporte les récoltes, dévaste ses rives et détruit les moulins de Chalosse.

Note : Au milieu du XIXe siècle, ces deux crues catastrophiques ont détruit environ la moitié des moulins, construits en bois pour la plupart d’entre eux. Seuls les rares moulins construits en pierre – un matériau rare et très cher dans Les Landes – résistèrent.

  • 1868 - Situation alimentaire alarmante dans les Landes.
  • 1870 - Grande misère dans les Landes.
  • 1871 - « La sécheresse est telle que la récolte de seigle est nulle et celle de l’automne brûlée. Les Bruyères ne fleurissent pas, ce qui fait périr les abeilles ». Bernard Traimond écrit à propos des Landes : « À partir de 1868, la situation alimentaire est également devenue alarmante. Le prix de la résine s’effondre, ce qui réduit brusquement et considérablement les revenus des propriétaires et de leurs métayers. Les vols, marque de la misère générale, deviennent (aux yeux des possédants) un véritable fléau. On ne laisse rien dans les jardins ; le seigle en gerbe dans les champs n’est pas en sécurité le maïs aussi. En 1870, on parle de grande misère. En 1871, la sécheresse est telle que la récolte de seigle est nulle et celle de l’automne brûlée. Les Bruyères ne fleurissent pas, ce qui fait périr les abeilles. Ce n’est qu’en 1872 que les récoltes deviennent plus abondantes ».  
  • 1879 - Un printemps froid, un été pourri puis un automne froid et humide, des récoltes catastrophiques. Et dès la fin novembre, c’est le début de l’hiver le plus froid jamais recensé en France depuis les mesures de température et qui durera pendant un mois. Les records de froid sont atteints surtout autour du 10 décembre : la température la plus basse en plaine est mesurée à Saint-Dié avec -37 °C, Paris enregistre – 24 °C. Voici les températures enregistrées dans le Sud-Ouest, relativement épargné : Bordeaux -7 °C, Toulouse -10 °C, Biarritz et Tarbes -9 °C.
  • 1889 - Le phylloxéra détruit les vignobles depuis 1876.

 

Sources

  • Thierry Sabot. Contexte France, Éditions Thisa, Sixième édition 2023. ISBN : 978-2-918315-22-3. 244 pages.

 

 



[1] La crise de subsistances ou crise frumentaire correspond à une difficulté, pour un individu, à subvenir à ses besoins en nourriture. Elle est généralement due à un hiver rude, qui entraîne une mauvaise récolte.

 


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