Jean Gaüzère (1822-1898) : un vieux garçon qui finit par se marier !

« Je m'appelle Jean, comme mon père avant moi. Il faut dire que Jean est le prénom le plus souvent donné en France du XIIIe siècle à 1945 ». Je me suis marié bien tardivement...

Je suis l'arrière-arrière-grand-père de l'auteur de ce blog, son Sosa 18.

Je suis né le 19 avril 1822, à JeanLaouillé, à Campagne, comme mes ancêtres. Mon père est âgé de 33 ans et est un ancien soldat de Napoléon. Jeanne Dubosq, ma mère, est âgée de 25 ans et est originaire de Saint-Perdon, le village d’à côté. J’ai été déclaré en mairie par Jean Gaüzère (23 ans) et Jean Gaüzère (44 ans).

 

 

Acte de naissance et de baptême de Jean Gaüzère établi par l’adjoint au maire Jean Fauthous. Ses parents ne savaient pas signer (source : https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d8dc6/52cbf80f4b129).

 

« Plus de 8 Français sur 10 où vivent à la campagne. À ma naissance, mon espérance de vie est de 38 ans, une forte augmentation due entre autres à l'apparition du vaccin contre la variole. Parvenu à 65 ans, j'ai plus de 11 ans en moyenne devant moi. Près de 20 % des enfants nés la même année que moi sont cependant morts avant 5 ans ». Les Landes n’avaient pas encore été plantées de pins et c’était un paysage de landes et de forêts de chênes à Campagne.

 

Je suis le troisième enfant de la famille, après Anne (Marguerite) (1815-1857) et Jean (1819-1897) qui a épousé Jeanne Gaüzère (1822, après 1899) et a eu deux enfants ; Marie (1825- ?), Jeanne (1829-1867) qui a épousé André Clet et a eu deux enfants ; et Arnaud (1834-1870). Nous étions donc sept bouches à nourrir. « Les enfants sont richesse de pauvres gens », dit-on alors, car ils représentent des bras en plus à une époque où l'agriculture n'est pas mécanisée : " Les plus petits peuvent garder les oies et nourrir la volaille, les autres participent aux travaux de la ferme, évitant le coût de domestiques agricoles, les plus grands enfin, s'ils sont placés, donnent à leurs parents une partie de leurs revenus ".

Comme mes parents, je ne suis jamais allé à l’école et je ne parle pas français, mais patois landais. « Une ordonnance royale de 1816 a demandé aux communes d'ouvrir des écoles, mais à ma naissance 12 000 n'en ont encore aucune ». Je suis propriétaire, comme cela apparaît sur l'acte de naissance de mon fils Michel (dit Hierman) en 1862.

 

Voici comment je vivais…

 

D’après le contexte général de l’époque reconstitué par Marie-Odile Mergnac, dans Le livre de mes ancêtres, Archives & Culture.

« J'entends parler de la révolution de 1830 qui renverse Charles X pour mettre Louis-Philippe sur le trône, et des insurrections ouvrières de 1831 à Lyon et 1834 à Paris, insurrections de la misère matée dans le sang, mais, vues des campagnes où tout est calme, on retient surtout que les villes et les populations ouvrières sont dangereuses ».

En 1842, « À 20 ans, je passe devant un bureau de recensement militaire. Le service est de 6 ans et on tire au sort ceux qui doivent partir ». Si par chance, je tire un bon numéro, je pourrai le revendre au fils d'une famille riche pour partir à l'armée à sa place. C’est un échange tout à fait « légal, enregistré devant notaire, correctement payé bien qu'aucune guerre ne soit en vue (sinon ça fait monter le prix des remplacements !) ». Cette « aubaine » permettrait à mon père d’agrandir ses terres avec promesse d’une part d'héritage plus importante pour moi à terme. et puis, je pourrai enfin quitter Campagne et découvrir les villes, voir du pays et découvrir « pendant ma vie militaire ce tout nouveau moyen de déplacement révolutionnaire qu'est le train ».

Les années passent et je deviens un vieux garçon. Mais à l’âge de 36 ans, le 20 mars 1859, j’épouse Jeanne Candau, de 16 ans ma cadette, née dans la commune voisine du Leuy et placée chez nous comme domestique. Il était grand temps ! Jeanne était enceinte de 6 ou 7 mois. Nous n’avons pas fait de contrat de mariage. Ce mariage a été difficilement accepté par mon père. Pensez donc : entre un propriétaire et une domestique ! Malheureusement, mon père n’a pu assister à notre mariage. Il était déjà « malade au lit » mais « sain d'esprit » et n'avait pu se déplacer à la Mairie. Il devait décéder moins de deux mois plus tard, trois semaines avant la naissance de notre petite Jeanne (Marie). Je ne sais toujours pas signer mon nom, comme une personne sur deux en France. À la demande du maire Darroze, j’ai donc apposé une croix maladroite, ainsi que ma femme, en bas de notre acte de mariage.

 

Acte de mariage de Jean Gaüzère et Jeanne Candau établi par le maire Darroze. Contrairement à trois témoins sur quatre, les époux ne savent pas signer. https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d3209/52cbf80b3c5e8

 

Mes témoins et amis étaient Jean Peyre, 35 ans, propriétaire et voisin ; Gabriel Clavé 22 ans propriétaire ; Pierre Morlaës, 28 ans, laboureur et Jean Rééjzare, 24 ans, instituteur.

 

je vous présente ma famille et ma parenté.

·   Nous avons eu deux enfants.

  • Jeanne (dite Marie) née le 31 mai 1858 à JeanLaouillé et décédée à l’hospice de Mont-de-Marsan le 16 juin 1932.
  • Michel (dit Hierman), né le 1er décembre 1862 et décédé à l’hospice de Mont-de-Marsan le 6 juin 1940, sans descendance.
  • Quatre petits-enfants, dont Jean (Alexis), grand-père de l'auteur de ce blog.
  • Cinq arrière-petits-enfants dont Pierre (Alphonse), père de l'auteur de ce blog.
  • Quinze cousins issus de germains.
  • Quatre oncles et tantes.
  • Quatre neveux et nièces.

 

« J’obtiens le droit de vote en 1848, avec l’instauration du suffrage universel (en réalité réservé aux hommes) par la IIème République née des insurrections parisiennes. Louis Napoléon Bonaparte est élu président de la République avec près de 80 % de voix. Trois ans plus tard, son coup d'État le transforme en empereur fin 1852 ».

 « Le second Empire est une période de forte croissance économique. Priorité est donnée à l'industrie et au commerce, mais la demande de produits agricoles augmente, y compris à l'exportation, grâce au fameux chemin de fer. On défriche à tour de bras, exploitant des terres jusqu'alors laissées en jachère et, en 1862, avec 26 millions d'hectares, la France atteint la plus grande surface labourée de toute son histoire.

Des comices agricoles annuels créés dans chaque canton à partir de 1833 diffusent rapidement les nouvelles techniques et offrent à chaque agriculteur la possibilité de comparer ses méthodes de travail avec celles des voisins.

Je mets désormais de la chaux pour fertiliser mes terres, je pratique l'assolement triennal, je cultive la pomme de terre, mes quelques vaches sont mieux nourries et l'élévation des prix agricoles améliore mon quotidien.

J'ai utilisé mes économies pour acheter de la terre plutôt que des équipements, tout en adoptant quand même les faux au lieu des faucilles, moins efficaces et qui obligent à travailler courbé, et les nouveaux râteaux.

Sur toute mon existence, mon niveau de vie augmente de 90 %, l'équivalent de la croissance... des quatre siècles précédents ».

 

Tout à une fin.

Jean est décédé le 24 décembre 1898 au Bourg-de-Haut de Campagne, c’est-à-dire dans le village même, mais à quelques centaines de mètres seulement de JeanLaouillé, à l’âge respectable de 76 ans. Les déclarants et voisins étaient Jean Pradet, charron (50 ans) et Etienne Tastet (60 ans), laboureur.

Jeanne Candau, alors âgée de 60 ans, pouvait donc aider, au village, sa fille Jeanne (Marie) à élever ses quatre enfants dont les deux aînés étaient nés « hors mariage ». Jeanne Candau devait encore vivre jusqu’en 1914.

 

Acte de décès de Jean Gaüzère établi par le maire Gaston d’Estanque, le 24 décembre 1898.

(https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d8263/52cbf80f0c2ae)

 

 

 

Sources

 

  • Décès : https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d8263/52cbf80f0c2ae 
  • Marie-Odile Mergnac, Mathilde Morin. Le livre de mes ancêtres - Ma généalogie sur 11 générations – Éditions Archives & Culture, ISBN 978-2-35077-436-7, 522 pages


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