Campagne (Landes) et ses victimes de la Guerre franco-prussienne de 1870-1871 ou la défaillance du service de santé des armées françaises.

Le registre des décès de Campagne (Landes) mentionne sept décès parmi les jeunes militaires, nés ou résidant à Campagne, soit un nombre anormalement élevé pour une commune qui comptait à l’époque environ 1 100 habitants. Autre bizarrerie : six Campenois sur sept sont décédés au cours du premier trimestre 1871, c’est-à-dire bien après la fin des combats et le dernier - Bernard Gaüzère de notre famille - à la fin du mois de mai 1871. Pourquoi ?

 

Les soldats campenois décédés.

 

  • 18/01/1871 : François Guillem, 25 ans, natif de Campagne, décédé à Aire (Landes), mobilisé pour la Garde nationale au 1er bataillon.

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d6c67/52cbf80e362ce

 

  • 30/01/1871 : Pierre Lamarque, 39 ans, natif de Campagne, cultivateur, décédé à Aire (Landes), mobilisé à la Garde nationale au 1er bataillon, 1ère Légion.

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d6c67/52cbf80e3685f

 

  • 14/02/1871 : Louis Pinchoret, 24 ans, natif de Meilhan, domicilié à Campagne, garde mobile des Landes, 3ème bataillon, 4ème compagnie.

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d6c67/52cbf80e37c29

 

  • 20/02/1871 : Antoine Vergers, 20 ans, soldat au 77ème Régiment d’infanterie, décédé à l’ambulance à Noos, canton de Vercel (Doubs), en présence de Constantin Belot, 72 ans, médecin de l’ambulance.

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d6c67/52cbf80e371d6

 

  • 1/03/1871 : Jean Dubois, 22 ans, décédé à Reuilly (Indre) dans l’ambulance. Garde mobilisé des Landes, 1er bataillon, 2ème compagnie.

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d6c67/52cbf80e371d6

 

  • 4/03/1871 : Jean Lafargue, soldat de 39 ans, au 2ème régiment d’artillerie de Marine. Décédé à Morlaix (Finistère), à l’ambulance militaire du quartier des Jacobins.

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d6c67/52cbf80e37c29


  • 23/05/1871 : Bernard Gaüzère, 22 ans, soldat au 38ème régiment de marche, 3ème bataillon, 3ème compagnie, né à Domingue (Campagne, Landes), le 5 octobre 1849, de feu Bernard Gaüzère et de Marie Darrieutort. Bernard Gaüzère est un arrière-petit-fils d'une cousine au 5ème degré de Bernard. Il est décédé à l’hôpital militaire de Versailles, en présence d’Étienne Boucher, infirmier.

https://archives.landes.fr/ark:/35227/s0052cbf437d6c67/52cbf80e39b71

 

Le registre des décédés de l’hôpital militaire de Versailles (1847-1871) nous apprend qu’il y avait admis le 28 avril 1871 et qu’il y est décédé de fièvre typhoïde, le 23 mai à 3 heures du soir, comme plusieurs autres soldats ce jour-là.

 

 

 


La guerre franco-allemande de 1870-1871, parfois appelée guerre franco-prussienne ou guerre de 1870.

 

Cette guerre, déclarée par la France de Napoléon III au royaume de Prusse, a duré du 19 juillet au 28 janvier 1871, s’est rapidement soldée par un désastre pour la France. Les troupes françaises étaient mal préparées, moins nombreuses (300 000 vs 500 000). La Prusse réussit à s'allier avec le Bade, le Wurtemberg et la Bavière. Les troupes allemandes avaient une expérience récente – et victorieuse – du feu (avec les conflits contre le Danemark en 1864 et l'Autriche deux ans plus tard), une artillerie lourde et une excellente formation.

 

Recherchons quelques explications pour ces morts non-imputables aux combats.

 

Six des sept Campenois appartenaient à la réserve de l’Infanterie qu’étaient la garde nationale mobile (les « moblots ») de formation récente et dont la valeur combative était inconnue lors de la déclaration de la guerre par la France : peu équipée, peu armée, peu entraînée.

Le conflit se solda par 139 000 morts du côté français par combat ou par maladie et 51 000 morts du côté allemand.

Le nombre de prisonniers de guerre français fut exceptionnellement élevé, témoignant de l'impréparation de l'armée impériale. En , Jules Favre, ministre des affaires étrangères, estimait que 509 000 combattants français étaient prisonniers dont 420 000 détenus en Allemagne, 4 000 internés en Belgique et 85 000 en Suisse vs 35 000 soldats allemands faits prisonniers. La plupart des prisonniers français restèrent captifs en Allemagne de 2 à 10 mois et 18 000 d’entre eux y moururent dans les camps et sont enterrés en Allemagne. Ce ne fut pas le cas des Campenois, tous décédés en France.

 

La défaillance du service de santé des armées françaises.

 

Les Campenois n’étant pas morts au combat, sont probablement morts « aux peluches » ou bien de maladie, car la variole a ravagé les deux armées. Toutefois, les Prussiens pratiquaient le rappel du vaccin contre la variole, à la différence des Français qui ne le pratiquaient guère. Parmi les 8 500 Prussiens atteints par la variole, 450 en moururent (5 %) ; alors que parmi les 125 000 Français atteints par la variole, 23 000 décédèrent (19 %). La différence est énorme qui témoigne de la profonde défaillance du service de santé des armées françaises. La fièvre typhoïde - qui témoigne de très mauvaises conditions d'hygiène - a fait également des ravages, comme en témoigne le Registre des décédés de l’hôpital militaire de Versailles (1847-1871).

 

  

Par Robert Thomas Landells — The Illustrated London News, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=2258920
 

Référence 

 

  • Dr. J. C. Chenu, Rapport au conseil de la Société française de secours aux blessés des armées de terre et de mer, sur le service médico-chirurgical des ambulances et des hôpitaux pendant la guerre de 1870-1871, vol. 1, p. 75, cité dans Frédérick Nolte, L'Europe militaire et diplomatique au dix-neuvième siècle, 1815–1884, Paris, É. Plon Nourrit et Cie, (lire en ligne [archive] [PDF]), p. 526-527.

 

 

 

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